Voici pourquoi l’alimentation industrielle cause des maladies chroniques

L’industrie agroalimentaire transforme les aliments, qu’elle considère comme une simple somme de nutriments. Mais c’est nier leur complexité et conduire à des déséquilibres nutritionnels, cause de maladies chroniques. A l’inverse de cette logique « réductionniste », il faut appréhender l’alimentation de façon globale. La santé publique y gagnerait beaucoup.

anthonyfardet_medium-2f89aAnthony Fardet est chercheur au département de nutrition humaine, Inra et université d’Auvergne, à Clermont-Ferrand.


Quand on demande au grand public à quoi il attribue le « potentiel santé » des produits laitiers, des agrumes, de la viande ou des produits céréaliers, il répond en majorité et respectivement le calcium, la vitamine C, les protéines et les fibres. Ces réponses, si elles sont partiellement vraies, sont aussi partiellement fausses. En effet, elles réduisent le « potentiel santé » des aliments à un seul nutriment. Or les aliments sont des matrices complexes constituées de centaines de nutriments. C’est l’action synergique de ces nutriments et la structure de la matrice alimentaire dans laquelle ils sont inclus qui déterminent leurs effets protecteurs.

 

Ainsi, le lait est un aliment extrêmement complexe, contenant des protéines et lipides très divers, des sucres, des minéraux, des oligoéléments et des vitamines également très variées. Le « potentiel santé » du lait ne peut donc être réduit au seul calcium. Les réponses habituelles du grand public traduisent à quel point le paradigme de la pensée « réductionniste » a envahi notre vision des choses.

Par définition, l’approche réductionniste considère la réalité comme trop complexe pour être étudiée en tant que telle. Elle fractionne donc cette réalité en éléments isolés pour mieux l’approcher. En d’autres termes, on considère que le tout est égale à la somme des parties, c’est-à-dire que 1 + 1 = 2.

Dans la recherche associée à l’industrie agroalimentaire, cela a conduit à fractionner les aliments – simplement considérés comme une somme de nutriments –, puis à isoler des ingrédients pour les recombiner avec, bien souvent, addition de sels, de matières grasses et de sucres (afin notamment de leur redonner le goût qu’ils avaient perdu !).

« Cracking » extrême des aliments

Le fractionnement du grain de blé en farine raffinée blanche, en son (l’enveloppe du blé) et en germe, illustre parfaitement les conséquences de ce réductionnisme technologique. Cela a conduit à mettre sur le marché des produits céréaliers très énergétiques et dépourvus de fibres et micronutriments protecteurs, comme le pain blanc ou les céréales du petit-déjeuner pour enfants issus d’une transformation technologique drastique puis enrichis en sucre, en matières grasses, en sel, et/ou parfois en minéraux et en vitamines. Ce cracking extrême des aliments se retrouve aussi dans le lait, les œufs ou la viande, menant à toujours plus d’aliments ultra-transformés.

 

Ensuite, on essaye de corriger le déséquilibre nutritionnel occasionné par ces aliments ultra-transformés et consommés en trop grande quantité avec des compléments alimentaires ou des aliments fonctionnels (par exemple, les margarines enrichies en phytostérols ou les laits enrichis en oméga-3, censés participer d’une meilleure santé cardiovasculaire). Ils représentent le stade ultime du réductionnisme nutritionnel.

 

Or, l’évidence scientifique montre clairement que ces compléments n’améliorent pas la santé sur le long terme et qu’ils ne permettent pas de diminuer le risque de maladies chroniques : au contraire, le risque est parfois augmenté [1]. Le réductionnisme a donc amené à considérer la nutrition préventive selon une perspective pharmacologique et les nutriments comme des médicaments qu’on pourrait isoler et administrer à forte dose.

De plus, dans le même temps que notre régime alimentaire évoluait, notre activité physique diminuait, et l’éducation nutritionnelle dans les cursus scolaires est restée insuffisante.

Un tiers des décès attribués directement ou indirectement à une mauvaise alimentation

 

Lorsque les aliments ultra-transformés constituent la base de nos régimes alimentaires, nous créons un terrain favorable au développement des maladies chroniques (au sens que lui donne l’Organisation mondiale de la santé). Par exemple, la science montre clairement que l’adhésion massive à des régimes à base d’aliments ultra-transformés (comme le régime omnivore de type occidental, dit « Western Diet », riche en énergie et aliments raffinés ultra-transformés) observée dans certaines grandes villes augmente les risques d’obésité, de diabète de type 2 (le diabète non insulinodépendant), de maladies cardiovasculaires et de cancers (parmi les enjeux majeurs de santé publique), mais aussi de mortalité.

En France, selon les données de la Sécurité sociale, on comptait, en 2010, 539.083 décès, dont environ 36 % pouvaient être attribués directement ou indirectement à une mauvaise alimentation (24 % pour les maladies cardiovasculaires, 10 % pour le cancer et 2 % pour le diabète).

 

En 2014, on a atteint le chiffre de 50 % de la population adulte en surpoids (soit un indice de masse corporelle – IMC – supérieur à 25). Et, selon la Haute autorité de santé, en 2012, plus de 15 millions de Français souffraient d’une maladie chronique, ces dernières représentant près des deux tiers des dépenses de santé.

En raison de l’augmentation de ces prévalences de maladies chroniques, les années moyennes de vie passées en bonne santé tendent à diminuer (62 – 64 ans en 2009 pour les Français) tandis que l’espérance de vie théorique moyenne continue d’augmenter d’environ trois mois tous les ans (79 – 85 ans en 2009). On vit donc de plus en plus longtemps, mais de plus en plus longtemps en mauvaise santé.

 

 

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Benji

6 Commentaires

  1. Seul remède : faites vos courses avec une loupe pour lire les étiquettes et le livre de Corinne GOUGET “danger additifs alimentaires” Elle disait avant de prendre un repas :”bonne santé”
    http://www.editions-chariot-dor.fr/livre-15809-Additifs-alimentaires-danger-.html#.Vmmo1r_pzWg

  2. Pour l’alimentation comme pour le reste, il faut avoir du discernement.
    Manger des produits transformés c’est compliquer la tâche à notre organisme pour le décrasser.
    Est-il besoin d’études détaillées ? Il suffit de regarder les étiquettes.
    Une alimentation de qualité, la plus propre possible, adaptée à notre terrain améliorera la santé physique, aidera la santé mentale et dégagera le chemin spirituel.

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