Energie solaire : mais pourquoi EDF et l’Etat laissent-ils tomber une invention prometteuse ?

arton5016-50adcC’est une innovation prometteuse : équiper les fenêtres des bâtiments d’un filtre photovoltaïque aux allures de vitres fumées, qui permet de produire de l’électricité. De quoi rendre les bâtiments plus autonomes et favoriser l’essor des énergies renouvelables. Problème : EDF a décidé de cesser l’activité de sa filiale, Nexcis, qui a mis au point le procédé. Abasourdis par la décision, les salariés, menacés par un plan social, proposent de reprendre l’entreprise, avec le soutien de syndicats. Mais dans l’indifférence, pour l’instant, du gouvernement.

L’été s’annonce long et angoissant pour les 77 salariés de Nexcis, une filiale d’EDF spécialisée dans la recherche en énergie photovoltaïque, implantée près d’Aix-en-Provence. Ils sont menacés de licenciements après qu’EDF a annoncé la liquidation de la société. Une annonce d’autant plus surprenante que les ingénieurs et techniciens de Nexcis ont mis au point un procédé digne d’intérêt : de minces panneaux photovoltaïques intégrés dans le double vitrage des bâtiments, maisons comme immeubles. Ces fenêtres appelées BIPV (pour « Building integrated photovoltaïc ») permettent à la fois de moduler la luminosité et de produire l’électricité.

« Des ouvrages avec des vitres orientées à l’est, à l’ouest et au sud pourraient être autosuffisants en énergie le jour », assure Bertrand Bertrand, responsable design et fiabilité de la filiale. « Nexcis a développé une technologie très prometteuse avec des rendements très satisfaisants », confirme un observateur extérieur, Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (ENR).

La technologie BIPV a été finalisée en novembre 2014. Pour ses recherches, Nexcis, lancée conjointement en 2009 par EDF et l’Institut de recherche et développement pour l’énergie photovoltaïque (Irdep) [1] a bénéficié d’un investissement de 75 millions d’euros, dont un tiers d’aides publiques. 17 brevets ont été déposés. L’invention n’attend plus qu’à être commercialisée, avec la perspective d’améliorer la sobriété et l’autonomie énergétique des bâtiments qui en seront équipés.

« Quand EDF nous a annoncé la fin, nous n’avions rien vu venir »

La direction d’EDF en a décidé autrement, en annonçant en février dernier la cessation d’activités de la filiale et un « plan de sauvegarde de l’emploi ». Les salariés en ont été les premiers surpris. « Nous étions tranquillement en train de travailler à ces recherches. Pas d’ouvriers, pas de culture syndicale, et quand EDF nous a annoncé la fin, nous n’avions rien vu venir », confie Stephan Dainotti, représentant du personnel qui s’est depuis syndiqué à la CGT quand il s’est aperçu que « la CFDT signait tout, tout de suite ».

Pourquoi risquer de ruiner ainsi six années de fructueuses innovations ? Le mystère demeure. « Jean-Bernard Lévy [le nouveau PDG d’EDF] est arrivé en octobre dernier. Il est là pour rendre EDF le plus rentable possible. Nexcis étant un centre de recherche avec un coût, il coupe la branche », avance le représentant syndical. D’autant que l’invention, si elle est mise en œuvre à grande échelle, pourrait contribuer à réduire la consommation d’électricité produite par EDF et, à terme, entraver ses bénéfices. On sait le peu de cas que l’électricien réserve, pour l’instant, au développement des énergies renouvelables : elles ne pèsent que 0,1% de sa production d’électricité en France (hors barrages qui pèsent 9,8%, le nucléaire représentant 88%, voir notre document sur le sujet). Ce qui n’a pas empêché l’entreprise publique a être choisie par le gouvernement comme sponsor de la conférence sur le climat, fin 2015 à Paris.

« Pépite technologique »

Pour Stephan Dainotti, les actionnaires de Nexcis, au premier rang desquels EDF, « se sont dit qu’il y avait quelque chose à tirer de ces recherches, qu’il fallait juste mettre les brevets au chaud pour les récupérer plus tard » [2]. Et les revendre à bon prix, sans s’embarrasser de 77 salariés. Cette hypothèse s’appuie sur le sort réservé par EDF au rapport demandé à la banque Rothschild. Entre mai et novembre 2014, la banque est mandatée par EDF pour trouver de nouveaux investisseurs potentiels à Nexcis. Selon, Stephan Dainotti, si la banque n’a pas identifié de nouveaux partenaires, elle a conseillé à EDF de préserver sa filiale. « Au regard des premiers résultats sur le BIPV tombés mi-novembre, la banque a malgré tout défendu le scénario d’une poursuite de l’activité de Nexcis sur deux ou trois ans pour tenter d’exploiter au mieux cette pépite technologique », commente le syndicaliste.

EDF en a décidé autrement, peut-être aussi à cause de la rude concurrence sur le marché du photovoltaïque, déstabilisé par l’arrivée d’entreprises chinoises. Egalement à cause des aléas du soutien public à la filière. « Je n’ai pas suffisamment d’éléments pour analyser les raisons du lâchage de Nexcis par EDF, prévient le président du Syndicat des énergies renouvelables, Jean-Louis Bal. Mais je peux dire que l’état actuel du développement de la filière photovoltaïque en France, très dépendante d’appels d’offres toujours repoussés, ne favorise pas l’investissement industriel. L’extrême irrégularité du marché crée une situation difficile, y compris pour des entreprises françaises telles que Photowatt [reprise en 2012 par EDF], Voltec Solar ou Fonroche. »

Projet de reprise par des salariés

En avril, treize chercheurs du CNRS, spécialisés dans le photovoltaïque, appelaient à « sortir Nexcis de la vallée de la mort » et à « explorer, avant qu’il ne soit trop tard, toutes les solutions susceptibles de préserver les acquis uniques portés par Nexcis dans le domaine du photovoltaïque en France ». (à lire sur Mediapart). Contactée, la direction d’EDF n’a pas souhaité commenter sa décision. Le nouveau directeur général de Nexcis, Michel Rubino, nommé en avril à la place de son prédécesseur, en congé maladie depuis le mois de mars, attend, lui, que des repreneurs se manifestent.

Car l’histoire de Nexcis et de son procédé n’est pas terminée. Trois dossiers de reprise devraient être déposés d’ici le 15 juillet, dont un porté par des salariés. Une quarantaine d’entre eux se sont associés à une start-up de sept personnes, créée en 2011 et installée à Gardanne, Crosslux.

Article complet sur Bastamag.net

 

Benji

13 Commentaires

  1. Si leur technologie est vraiment prometteuse, ils retrouveront très rapidement un repreneur, ce dont je doute.

    Petit rappel sur les avantages ET inconvénients du PV :

    http://www.energie-photovoltaique-et-solaire.com/avantages-inconvenients.html

  2. https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_good.gif
    Je rigole si le bordel est repris par des Chinois (par exemple) et qu’ensuite ça marche du tonnerre, et que ça leur fasse grave concurrence quoi ! https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_whistle3.gif

  3. Pourquoi ?
    c’est pas rentable, c’est tout. Pas compliqué.
    Rendements décroissants.

  4. Au cas où ce système s’avérait économique le gouvernement ne pourrait plus ponctionner EDF aussi généreusement.

    EDF étant un Etat dans l’Etat…

  5. Toutes les infos sont dans le sujet.

    ette hypothèse s’appuie sur le sort réservé par EDF au rapport demandé à la banque Rothschild. Entre mai et novembre 2014, la banque est mandatée par EDF pour trouver de nouveaux investisseurs potentiels à Nexcis.

    Le nouveau PDG d’EDF, lire sa biographie sur wikipedia est un poème.

  6. “pas de culture syndicale”

    Ha ha ha, l’argument qui sous-entend c’était de bons employés bien dociles et que le syndicalisme justifierait de virer ses employés. Comme si faire plaisir au patron pouvait l’inciter à faire preuve de reconnaissance…

    Raté, les syndicats existent parce que les grands patrons ont été, sont, et seront toujours des ordures finies. Et avec la fin du CDI qui va porter un nouveau coup au syndicalisme, ils vont pouvoir s’en donner à coeur-joie.

    Penser que son patron est sympa (je ne parle pas des toutes petites entreprises), c’est un peu une sorte de dérivé du syndrome de Stockholm. Quels que soient les griefs que l’on puisse avoir contre les syndicats, le syndicalisme dur est le seul moyen qui existe pour essayer de résister à ces exploiteurs.

    D’ailleurs il ne faut pas confondre syndicats et syndicalisme. Si les premiers peuvent être des vendus prêts à trahir le second, le syndicalisme est une idée trop précieuse pour être rejetée sous prétexte que les syndicats qui existent font de la merde…

  7. si leurs projet de vitre filtré de captation d’énergie solaire ! si cela est non obselete et efficace en précision et définition ! cela rendras fou est une perte pour le constructeur ^^ voilà il aime pas que l’on gagne sur le long terme https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_scratch.gif
    à MOINS de taxé sur l’impot ou une revante de bénefice…?

    • En + en imposant leur compteur LINKY ils ont une rente assurée car ces compteurs payés par les consommateurs consomment de l’électricité pour fonctionner ok,pas bcp,mais multiplier par des Millions de connectés haha.
      De toute façon ils devraient mettre à la poubelle ceux qui sont disponibles actuellement.
      Jamais nous aurons l’indépendance énergétique qui rapporte un MAX.
      https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_smile.gif

  8. Edf est basé sur la centralisation, en aucune façon sur individualisation de la production.
    Ils font peut-être ce type de recherche pour garder sous controle leur monopole.

    • Je pense plutôt que notre culture politique jacobine et centralisatrice se refuse frénétiquement à tout ce qui est dé-centralisé et autonome. Il faut une révolution culturelle dans nos Zélites, sinon on va continuer à former des ingénieurs qui partiront faire fortune à l’étranger https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_negative.gif

  9. Si seulement on pouvait produire de l’électricité avec les tocards et les technocrates … La Bérézina du Minitel ne leur a pas servi de leçon, à ces cloches.

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