Charente: le fleuve où la mort coule tranquille

Ce 28 mai 2015 à Lyon a lieu le procès en appel de Monsanto contre Paul François, agriculteur céréalier riverain de la Charente ; et ce 30 mai à Rochefort a lieu une manifestation des opposants à l’incinérateur géant prévu à l’embouchure, suite à l’évacuation de la ZAD d’Echillais : l’occasion de dresser un bilan de l’état des eaux de ce fleuve catégorisé comme étant le plus pollué de France.

DSC00081La Charente près de ses sources… et d’un champ passé au glyphosate © Photo JC Mathias

Début mai 2015, le président de France Nature Environnement (FNE) et le président de la Fédération Nationale de Pêche ont cosigné une lettre ouverte au président de la République intitulée « Nos rivières mises en grave danger par de nouvelles politiques publiques », dans laquelle ils dénoncent entre autres une « déréglementation par accroissement des seuils pour les ICPE [Installations Classées pour la Protection de l’Environnement] agricoles soumises à autorisation » et une réduction des contrôles effectués par la puissance publique :

« l’allègement de la pression de contrôle sur le terrain est extrêmement choquant, alors même que les atteintes à l’environnement ne cessent de s’accroître dans le monde rural. Les agents de l’ONEMA, des DDT, des DDPP et de l’ONCFS, sont les « gendarmes » des milieux naturels. Il faut les encourager, et non les décourager à poursuivre leurs missions indispensables de contrôle et de surveillance, voire de répression quand cela est nécessaire.

On ne voit d’ailleurs pas au nom de quoi les infractions aux lois et règlements commis par les agriculteurs seraient moins graves, ou moins « illégales » que celles commises par d’autres citoyens, et c’est envoyer un signal extrêmement négatif (et incitatif aux comportements délictueux) que d’annoncer un « allègement » des contrôles. »

Selon FNE, la mauvaise qualité des eaux est générale et les rivières sont très dégradées en France :

  • 50 % des rivières, lacs et nappes d’eau souterraines n’atteindront pas le bon état écologique en 2015 ;
  • 20% des espèces de poissons d’eau douce du territoire métropolitain sont menacées de disparition ;
  • 90 % des rivières sont contaminées par les pesticides, ainsi que l’eau de pluie ;
  • 90 % des pesticides proviennent de l’agriculture (autour de 80 000 tonnes par an) ;
  • 550 000 tonnes d’azote excédentaire par an arrive à la mer (75 % provenant de l’agriculture)…

En 2014, le Commissariat général au développement durable a publié une carte indicatrice des concentrations moyennes de pesticides dans les eaux douces, sur laquelle la Charente est apparue comme étant le fleuve le plus pollué de France. Bien que le document précise que les données du secteur incriminé « sont fortement influencées par une contamination isolée », il est intéressant de se pencher sur les raisons qui ont pu conduire ces eaux à être ainsi souillées, à l’instar de nombreux autres cours d’eau en France.

Moyenne annuelle 2011 des concentrations totales en pesticides dans les cours d’eau

Secteurs hydrographiques / Libellé du secteur hydrographique : Moyenne Concentration totale en pesticides par secteur hydrographique (mg/l) [Sources : SOeS d’après Agences de l’eau, 2013 – MEDDE, BD Carthage®, 2012]

R0 / La Charente de sa source au confluent de la Tardoire : 0,13

R2 / La Charente du confluent de la Tardoire au confluent des Eaux Claires : 0,06

R3 / La Charente du confluent des Eaux Claires (incluses) au confluent du Né : 6.5182 (* voir note)

R4 / La Charente du confluent du Né (inclus) au confluent de la Seugne : 0,26

R5 / La Charente du confluent de la Seugne (incluse) au confluent de la Boutonne : 0,22

R7 / La Charente du confluent de la Boutonne à l’océan : 0,14

* : les données de ce secteur hydrographique sont fortement influencées par une contamination isolée, non nécessairement représentative du secteur dans sa globalité.

C’est sur le territoire du Parc Naturel Régional Périgord-Limousin que naît le fleuve Charente, dans le département de la Haute-Vienne, à quelques kilomètres de Rochechouart, à l’Ouest de l’actuelle région Limousin et de sa capitale Limoges. Dans le « Plan d’action Energie-climat pour l’agriculture sur le territoire du Parc naturel régional Périgord Limousin » réalisé par l’ADEME, ClimAgri et les Chambres d’agriculture, on peut lire cette chose stupéfiante relative aux bénéfices supposés de la « mise en place d’une production intégrée en grande culture » : « Baisse significative de l’usage des produits phytosanitaires (malgré dans un premier temps un recours plus important au glyphosate) »

Le diable se cache dans les détails… ou dans les parenthèses ! Car il est invraisemblable que le glyphosate soit employé à des fins prétendues de transition vers une agriculture durable. On imagine mal quelles justifications agronomiques alambiquées peuvent appuyer de tels énoncés, mais on imagine fort bien quel intérêt l’industrie chimique peut avoir à se débarrasser de stocks d’un produit dans le collimateur des associations environnementales et sanitaires. Car le glyphosate est numéro 1 en toute chose.

En 2011, des chercheurs américains travaillant sur un programme d’évaluation de la qualité de l’eau ont détecté des niveaux quantifiables de glyphosate dans les eaux de surface des régions agricoles, ainsi que dans l’air et dans l’eau de pluie.

Une « étude du glyphosate (Roundup) » publiée en 2012 par la Plateforme interface Santé-Environnement en Rhône-Alpes cerne bien le cas de figure :

« Le glyphosate (N-(phosphonométhyl)glycine, C3H8NO5P) est aujourd’hui l’herbicide le plus utilisé dans le monde. C’est un désherbant total non sélectif, c’est-à-dire qui détruit l’ensemble de la végétation, qui est breveté et commercialisé de façon exclusive par la société Monsanto sous le nom de Roundup depuis 1974. Toutefois, le brevet principal est tombé dans le domaine public en 2000 permettant à ces concurrents de pouvoir le synthétiser et le commercialiser.

Afin de permettre la pénétration du glyphosate dans les tissus végétaux, un adjuvant (le POEA) est mélangé à celui-ci. Le mécanisme d’action est systémique en bloquant la synthèse des acides aminés aromatiques au niveau de tous les organes de réserve. Le glyphosate est un herbicide classé comme produit irritant, toxique et nocif pour les organismes aquatiques et dangereux pour l’environnement. »

En 2015, le glyphosate a été classé dans la catégorie « cancérogène probable » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC).

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Benji

11 Commentaires

  1. vraiment, sincèrement triste pour cette rivière, son contenu et la faune environnante.
    Quand est-ce que les humains réaliseront-ils que sans cette
    nature généreuse, admirable, créatrice, et jusque là…. prolifique, l’humain n’est rien, ne peut avancer !
    C’est bien sur cette Nature que toutes les sciences se sont
    inspirées !
    J’aspire vraiment à une méga grosse merde pour que les
    Animaux et la Nature reprennent leurs droits.
    En quelques secondes l’humain ravage pour toujours des systèmes ingénieux de la Nature dont le process a mis des milliards d’années pour y parvenir comme: l’économie, parcimonie, adaptation, intelligence, collaboration, échange, communication…..avec modestie et en silence.
    oui le CANCER DE LA TERRE C’EST L’HUMAIN.

  2. Et dire qu’Henri IV avait dit que la Charente était “le plus beau fossé de son royaume” !

  3. ….Y aura pas un abruti pour nous dire que c’est de la faute des jardiniers amateurs?

  4. Fatigué de ces hommes qui ont tué les indiens
    Massacré les baleines, et bâillonné la vie
    Exterminé les loups, mis des colliers aux chiens
    Qui ont même réussi à pourrir la pluie

    Renaud – Fatigué

  5. Ici comme ailleurs les agriculteurs sont tout puissants, ils ne payent pas au même prix que vous l’eau qu’il pompent dans les rivières pour irriguer leurs cultures dégueulasses; Pollueurs mais pas payeurs;Ils sont gavés et s’entendent bien avec les politiques locaux. La chambre d’agriculture est là avec son président pour les soutenir, il faut continuer pour rester bons z’amis;
    L’hiver ils s’emmerdent et vont à la chasse, dézinguer ce qui a réussi a survivre, ce qui est beau;

    Engel a raison de souligner la pollution des particuliers: les Jardiland sont pleins de ces saloperies, l’air est irrespirable dans ces rayons, ces cons achètent quand même.
    J’ai déjà fait remarquer à ces abrutis que le poison qu’ils avaient dans leur caddie ils finiraient par le boire et le manger: ils sont trop cons, ils vous regardent comme si c’était vous l’ahurie, prenant à témoin les autres gens dans la file d’attente de caisse;
    Ils vont TOUS acheter ces poisons pour les mettre dans leurs jardins de playmobil;
    On vous regarde de travers, “de quoi se mêle-t-elle celle-là ?” “on est en république on fait ce qu’on veut”
    Véridique…
    Tout bien réfléchi, j’ai eu tort, qu’ils continuent, ils en boivent et mangent tous les jours et sont contents les jours de barbeuc’.
    Ils finiront bien par en crever mais cela prendra du temps.Dommage pour tout ce qu’ils tuent en chemin, là est l’injustice.

    Amicalement chers moutons.
    P.S: L’Hermione, le bateau de la maçonnerie locale a descendu la Charente, pas un mot dans les médias sur l’état sanitaire réel de ce fleuve. Quel déploiement merdiatique ! L’ex du tartuffe, la ministre de l’écologie est venue et n’avait rien à dire, normal nous l’entretenons pour ça.

    • Bonsoir Isil,

      Tes propos sont bons, mais les individus que tu “agresses” à la caisse d’un magasin, réagiront par “effet miroir”, et te renverront de “l’agressivité”…

      Si tu n’entres pas par la porte, passes par la fenêtre…

      Abordes les autres individus en te rappelant comment tu consommais avant de comprendre…

      Ne cherches pas à les “convertir”, mais éduques-les…

      Il est fréquemment plus productif de balancer une ou deux phrases “matières à réflexions”, et de les inciter à se renseigner, etc…

      Plantes des graines dans les esprits, et laisse faire la nature…
      https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wink.gif

      PS : En quoi “La Maçonnerie locale” et l’Hermione, ont-elles un rapport avec la pollution de la Charente ? …

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