Les armes ou la diplomatie : les têtes pensantes de la politique étrangère US sont divisées sur la stratégie à suivre en Ukraine [New Eastern Outlook]

Alors qu’il n’y a aucun signe visible de résolution durable de la crise en Ukraine créée par le coup d’état occidental à Kiev, les stratèges US paraissent de plus en plus divisés sur la future politique à suivre dans la région. Le mouvement belliciste et agressif représenté par les néo-conservateurs pousse le monde vers une guerre ouverte avec la Russie, alors que d’autres figures majeures de la géopolitique à Washington défendent une désescalade de la situation et l’ouverture d’un dialogue sérieux avec la Russie.

Une des personnalités les plus en vue ayant contesté la politique suivie par les USA en Ukraine est l’ancien conseiller à la sécurité nationale et ancien secrétaire d’état Henry Kissinger qui a qualifié la politique menée en Ukraine « d’erreur fatale » qui pourrait conduire à une résurgence de la guerre froide. Kissinger a fait remarquer que l’Ukraine a toujours eu « une importance spéciale » pour la Russie, et refuser de reconnaître ce fait est une « erreur fatale ». Il ne s’agit pas ici de glorifier Kissinger, qui est poursuivi pour crimes de guerre pour son rôle dans le coup d’état au Chili en 1973 et son soutien à la dictature de Pinochet. L’ancien diplomate a également faire référence aux soldats comme « des débiles, des animaux stupides qui doivent être utilisés comme des pions dans la politique étrangère. »

Cependant Kissinger s’oppose depuis des années à ce que l’Ukraine rejoigne l’OTAN et a fait part de ses préoccupations concernant la stratégie actuelle dans ce pays, avec une rhétorique qui semble bien plus rationnelle que celle de nombreux analystes aux USA. Son scepticisme sur la politique actuelle vient de son désir d’inclure la Russie dans l’ordre mondial  plus que d’autre chose et de l’inimitié croissante entre cette dernière et l’occident qui éloigne les possibilités de réaliser une telle intégration. Dans un article du Washington Post paru en mars et intitulé : « Pour régler la crise ukrainienne », Kissinger prévient que « traiter l’Ukraine comme un élément de la confrontation est-ouest » entravera l’objectif de rattachement de la Russie à l’occident.

« Traiter l’Ukraine comme un élément de la confrontation est-ouest entravera pour des décennies tout projet d’intégrer la Russie et l’Ouest, spécialement la Russie et l’Europe, dans un système de coopération international. »

Les défenseurs des vétérans de la guerre froide veulent une Ukraine qui serve de « pont » entre l’Est et l’Ouest à l’opposé d’une solution clivante qui pourrait mener à une confrontation militaire directe.

D’autres voix à Washington défendent cependant une politique beaucoup plus agressive en Ukraine, comme le conseiller à la sécurité nationale Tony Blinken qui a récemment suggéré que Washington fournisse des armes à l’armée ukrainienne. L’ancien ambassadeur des états-unis en Ukraine et attaché supérieur à la Brooking Institution, Steven Pifer, exhorte également Washington à fournir des armes, incluant des « armes anti-char légères ». Equiper l’armée ukrainienne d’armes américaines intensifiera le bain de sang dans le pays et contribuera à l’escalade des tensions avec Moscou.

Le Conseil des Relations Internationales a admis que l’Ouest était à l’origine de la crise en Ukraine

Malgré les pages de propagande des médias occidentaux affirmant que la Russie est à l’origine du chaos en Ukraine, le directeur du think tank US Council of Foreign Relations a admis que l’Ouest avait fomenté le coup d’état de Kiev et déstabilisé le pays. Professeur de sciences politiques à Chicago, John J. Mearsheimer a écrit un article qui figure dans les publication du CFR,  intitulé « Pourquoi l’Ouest est responsable de la crise en Ukraine » Dans son article Mearsheimer documente le fait que « la plus grande responsabilité de la crise » est imputable « aux états-unis et à leurs alliés européens » qui tentent « d’intégrer l’Ukraine à l’occident. »

« Les états-unis et leurs alliés européens portent la plus grande part de responsabilité dans la crise actuelle. La volonté d’élargissement de l’OTAN est à la racine des troubles, l’élément central d’une stratégie plus vaste pour extraire l’Ukraine de l’orbite de la Russie et l’intégrer à l’Ouest. Dans le même temps, l’expansion de l’UE vers l’est et la manipulation du mouvement pro-démocratie par l’occident en Ukraine, qui avait commencé avec la révolution orange en 2004, ont aussi été des éléments critiques. »

Mearsheimer continue :

« Bien que toute la lumière n’est pas encore été faite sur l’étendue de l’implication US, il est clair que Washington était derrière le coup d’état… Les états-unis et leurs alliés devraient abandonner leurs plans pour occidentaliser l’Ukraine et devraient à la place en faire un état tampon neutre.

Il est temps de mettre fin aux déstabilisations occidentales à travers d’autre révolutions oranges. Le résultat c’est que les USA et leurs alliés ont provoqué par ignorance une crise majeure au sujet de l’Ukraine. »

Mearsheimer fait également remarquer que la stratégie US aboutit uniquement à « rapprocher Moscou et Pékin ». Il ajoute aussi que les préoccupations de la Russie à propos de l’élargissement de l’OTAN à l’est depuis la fin de la guerre froide sont légitimes. Les USA devraient prendre en compte ces préoccupations comme eux mêmes n’accepteraient pas qu’une autre puissance mondiale, comme la Chine, encercle les états-unis.

« Washington n’apprécie peut-être pas la position de Moscou, mais ils devraient comprendre la logique qui la sous-tend. C’est de la géopolitique basique : les grandes puissances sont toujours sensibles aux menaces potentielles à proximité de leur territoire national. Après tout, les états-unis ne tolèrent pas non plus le déploiement de capacités militaires dans l’hémisphère nord de la part des grandes puissances éloignées, et d’autant moins à proximité de leurs frontières. Imaginez l’indignation à Washington si la Chine construisait une importante alliance militaire et essayait d’y faire adhérer le Canada ou le Mexique. »

L’occident devrait vraiment « abandonner ses plans pour occidentaliser l’Ukraine » et s’abstenir de fournir des armes à Kiev, de manière à ménager une voie pour une résolution pacifique du conflit, relancer un dialogue constructif et pragmatique qui inclut toutes les parties afin de stabiliser le désordre qu’il a créé.

Cela ouvrirait la voie à une détermination autonome du peuple ukrainien quant à son avenir, sans ingérence extérieure.

Source : New Eastern Outlook

Traduction Ender pour les moutons enragés

Ender

4 Commentaires

  1. En sommes, c’est une lutte d’influence entre les néo-cons et les anciens-cons… 😉
    Vous remarquerez au passage qu’ils croient tous en leur “bonne étoile”…

  2. L’UE a commis une erreur de ne pas avoir parlé à la Russie d’égal à égal (Schröder)

    L’ancien chancelier d’Allemagne Gerhard Schröder a critiqué l’UE. Selon lui, l’UE a commis une grave erreur ayant tenté de « contraindre la Russie à quoi que ce soit ».

    « Croire que les sanctons puissent contraindre la Russie à se comporter comme le veut l’Occident est une illusion », a déclaré Gerhard Schröder.

    Il estime qu’il n’y aura pas de paix durable en Europe tant que l’Occident continuera d’exercer une pression économique ou politique sur la Russie. L’UE a commet une grave erreur quand elle ne mène pas les négociations avec la Russie et l’Ukraine sur un pied d’égalité.

    http://french.ruvr.ru/news/2014_12_03/LUE-a-commis-une-erreur-de-ne-pas-avoir-parle-a-la-Russie-degal-a-egal-Schr-der-0975/

  3. Le sénateur américain John Mc Cain lui aussi voudrait que les USA fournissent des armes à l’armée ukrainienne. Il en rêve même la nuit ce plouc de va en guerre “! https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_negative.gif

  4. Bien beau d’écrire cà mais il n’existe plus de politique internationale ni nationale non plus du reste !
    Aujourd’hui, ce sont des sociétés tel que goldman sach qui prennent les décisions, les parlements n’ont plus rien à dire !https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_unsure.gif

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