Le jour d’avant : l’Union européenne est-elle dans le même état que l’URSS en 1988 ?

La crise n’en finit pas d’affaiblir l’Europe, mais personne n’imagine vraiment que l’union pourrait se dissoudre. Et pourtant… en 88 avant la chute de l’URSS, personne n’envisageait l’effondrement de la superpuissance…

"Le véritable point sur lequel une comparaison porte c’est la nature toujours plus anti-démocratique de l’UE et bien entendu de l’URSS."“Le véritable point sur lequel une comparaison porte c’est la nature toujours plus anti-démocratique de l’UE et bien entendu de l’URSS.” Crédit Reuters

Atlantico : L’ancien dissident soviétique Vladimir Boukovski théorisait déjà en 2005 l’idée que l’Union Européenne, de par son gigantisme administratif et sa nomenclature technocratique, était en train de devenir une nouvelle URSS. Les actualités récentes vous incitent-elles à partager ce constat ?

Jacques Sapir : La comparaison entre l’URSS et l’Union Européenne est souvent faite. En réalité, l’URSS était la descendante de l’Empire tsariste, alors que l’UE se présente comme une nouvelle construction institutionnelle. Il est clair que l’on assiste à une multiplication des normes et des règlements, mais ceci est en partie inévitable, et en partie justifié car nous vivons dans une société de plus en plus complexe, et où la “densité sociale”, soit la probabilité qu’une action non intentionnelle de l’un affecte un autre, augmente régulièrement.

Le véritable point sur lequel une comparaison porte c’est la nature toujours plus anti-démocratique de l’UE et bien entendu de l’URSS. En ce qui concerne l’UE, c’est par la tendance à transférer de la légitimité des États-Nations vers des instances supra-nationales qui ne sont ni élue ni responsable devant des élus, que se marque le caractère anti-démocratique. En fait, c’est la négation du principe de souveraineté, qui fonde celui de légitimité, qui est en cause.

L’UE voudrait définir ses actes uniquement du point de vue de la légalité, mais comment apprécier la justesse d’une loi ou d’un règlement ? C’est la raison de l’opposition de plus en plus grande que rencontre l’UE dans les différents pays qui la composent.

Jean-Robert Raviot : Comparaison n’est pas raison : il n’y a dans l’UE ni parti unique, ni système unifié de sélection des élites à l’échelle des 27 pays membres, ni “Politburo” à Bruxelles. Il y a bien sûr une certaine dérive technocratique de l’UE. Au cours des dix dernières années, on a le sentiment d’une construction européenne à marche forcée. Les résultats négatifs des référendums français, néerlandais et irlandais ont été circonvenus. Le message des urnes a été méprisé et ignoré. Les décisions majeures et les grandes orientations sont prises au sein du “conclave” formé par le Conseil européen et des commissaires de Bruxelles.

La logique bureaucratique domine, d’où les analogies avec certaines pratiques soviétiques : inflation normative, langue de bois des institutions… Il n’y a bien sûr ni police politique, ni norme idéologique officielle dans l’UE. Il n’empêche que le “déficit démocratique” est abyssal ! Récemment, un projet de la Commission européenne (révélé par le Daily Telegraph) consistant à financer des équipes de “trolls” pour contrer l’euroscepticisme dans les réseaux sociaux et influencer les opinions publiques pendant la campagne des élections de 2014, renseigne bien sur la conception que se font les technocrates de Bruxelles de la démocratie délibérative…

L’analogie qui me paraît la plus remarquable entre l’UE de 2013 et l’URSS de 1990 est l’impuissance du politique, impuissance qui a pour effet d’accroître presque mécaniquement le pouvoir des bureaucraties. L’élaboration d’un consensus européen à 27 étant évidemment laborieux et difficile, les accords se font généralement en amont du politique, par la voie technocratique, dans la langue des technocrates, par les technocrates.

C’est l’intendance qui gouverne. Le politique suit. On en vient à résoudre des questions fondamentales sans les débattre ni les trancher, en les transformant immédiatement en normes. Le politique est totalement dilué dans la pure gestion des affaires courantes. Cette prolifération des normes dans un contexte impolitique (pour reprendre la terminologie de Julien Freund) ressemble au système soviétique en phase terminale. L’UE de 2013, comme l’URSS de 1990, est un corps sans tête.

Le marasme économique de la zone euro peut-il être comparé à celui de la fin des années 1980 pour l’URSS ?

Jacques Sapir : Oui en termes de chiffres, mais les causes sont assez différentes, et, en un sens, plus sérieuse dans la zone Euro que pour l’URSS. Dans cette dernière la “stagnation” (Zastoj) apparaît dès la fin des années 1970. Elle se caractérise par des gains de productivité de plus en plus faible et une capacité à innover qui décroît brutalement, alors qu’elle avait été forte dans les années 1950 et 1960.

Pour la zone Euro c’est la confrontation d’économies hétérogènes, aux dynamiques différentes, au sein d’une Union monétaire qui a provoqué la crise. La crise de l’économie soviétique était largement liée à un problème d’incitation et au fait que le pouvoir avait tourné le dos au processus de réformes à la fin des années 1960. Dans la zone Euro, les moyens qu’il faudrait mobiliser pour homogénéiser les économies, moyens qui devraient être fournis principalement par l’Allemagne dans la situation actuelle, dépassent de très loin ce que la population allemande est à même d’accepter.

Jean-Robert Raviot : Je ne suis pas intellectuellement équipé pour répondre à cette question en termes savants. Il me semble que les conséquences au quotidien de cette crise économique en URSS étaient infiniment plus étendues à l’échelle de tout le territoire (pénuries alimentaires, tickets de rationnement, etc.) que ce que l’on voit dans l’UE de 2013. Mais je ne suis ni un chômeur espagnol, ni un artisan portugais, ni un petit pêcheur grec… La détresse et le sentiment d’impuissance sont immenses aujourd’hui. L’impression de subir des situations absurdes, de ne rien pouvoir saisir de ce qui vous arrive…

Toutes ces subjectivités de la crise ont profondément marqué les Soviétiques des années 1980 et 1990. Nous, citoyens des pays de l’UE, avons beaucoup à apprendre de ces expériences-là. En URSS, le pouvoir a spolié sans vergogne les petits épargnants pour éponger les dettes accumulées par l’Etat, en pratiquant des mesures confiscatoires sur les livrets de caisse d’épargne… Espérons que l’UE ne suivra pas cette voie pour sauver l’euro et les banques. Mais rien n’est moins sûr. “L’avenir radieux n’est plus écrit nulle part mais il ressemble beaucoup à un gouffre”, disait un humoriste soviétique en 1991. J’ai l’impression que beaucoup d’Européens d’aujourd’hui pourraient reprendre cette phrase à leur compte.

Le décalage entre l’opinion des peuples soviétiques et celle de la nomenclature était béant à la fin du régime. Cette situation se retrouve t-elle aujourd’hui en Europe ?

Jacques Sapir : Sur ce point, la comparaison me semble plus juste. La perception du système soviétique était très mauvaise, et aujourd’hui la perception de la zone Euro et de l’euro est, elle aussi, très mauvaise. Néanmoins, les Soviétiques restaient attachés à une “union”, et ils l’ont montré lors du référendum de 1991. Mais, en Europe, on se garde bien d’organiser de nouveaux referendums depuis les résultats de celui de 2005.

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Benji

2 Commentaires

  1. La crise n’en finit pas d’affaiblir le monde et les conséquence seront l’effondrement de l’économie mondial et non “que” de l’europe,
    les projecteurs sont en permanence braqué sur l’europe mais le problème est originel des USA et aura pour résultat un chaos généralisé,
    il est important d’en prendre la juste mesure et par ailleurs ce n’est même pas une crise en vérité c’est le déroulement du plan mis en place par l’élite pour déclencher les évènements souhaité a savoir la diminution de 90% de la population mondiale et un seul gouvernement totalitaire…

  2. je ne crois pas a la dissolution de l’union mais, a une mutation déjà il existe de grâve discorde entre les diffenrentes organisations au sein de l’Union, le Parlement et le Conseil EU font tou pour affaiblir la Commission a terme ils finirons par la dissoudre d’ailleur au moment ou j’écrits ses lignes ils réduisent les effectifs et réduisent ses frais de fonctionnement.
    à la fin de ce processus il restera un seul interlocuteur EU face au autre, US et le bloc Asiatique l’Afrique sera a nouveau sous protectorat tout comme l’Amerique du Sud (ou on élimine les dirigeants génant) mais cela va encore prendre quelque années encore, et j’ai bien peur que lorsque le super mouton se réveillera il sera trop tard………….

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