“Baleine de Londres” : l’audition des responsables de JPMorgan tourne au jeu de massacre

Anciens et actuels responsables de JPMorgan doivent répondre de leurs actes devant une commission d'enquête parlementaire.

L’audition est encore en cours et retransmise en direct à la télévision. Et ses principaux protagonistes sont à la peine. Une ancienne dirigeante de JPMorgan Chase s’est défaussée en accusant les traders de la banque et ses subordonnés d’avoir mené des paris ayant conduit à la perte de six milliards de dollars causée par la “baleine de Londres”, le trader qui a concentré sur lui l’essentiel des accusations. Elle ajoutait devant les parlementaires américains que ses équipes lui avaient dissimulé des pertes et des informations importantes.

Ina Drew, ancienne directrice des investissements, a affirmé qu’elle ne se sentait personnellement responsable de ce désastre financier. “Certains membre de l’équipe de Londres n’ont pas réussi à évaluer leurs positions correctement et, de bonne foi, ont minimisé leurs pertes enregistrées et prévues et m’ont dissimulé des informations importantes”, a expliqué Ina Drew. “De toute évidence, des erreurs ont été commises”, a-t-elle reconnu. Ina Drew a travaillé plus de trente ans au sein de cette institution avant de démissionner en mai.

Selon un rapport du Sénat américain publié jeudi, JPMorgan Chase a occulté des risques, trompé les investisseurs, provoqué les régulateurs et tenté de contourner la réglementation, lorsqu’elle s’est trouvée confrontée à des pertes énormes liées à un portefeuille de dérivés risqués. La direction de la banque a été alarmée des mois durant de ces transactions malencontreuses sur dérivés qui lui ont coûté en définitive plus de 6,2 milliards de dollars sans pour autant réagir, ajoute ce rapport de la sous-commission permanente d’investigation.

Ce même jour, la Réserve fédérale américaine a demandé à JPMorgan Chase et à Goldman Sachs d’améliorer leurs procédures pour déterminer le montant de leurs redistributions aux actionnaires, tout en avalisant leurs plans de rachats d’actions et de versements de dividendes. Cette avalanche de mauvaises nouvelles pour une JPMorgan, longtemps considérée comme la banque américaine la plus sûre et la mieux gérée, risque de ternir la réputation à la fois de l’établissement et de son directeur général, Jamie Dimon. Ce dernier n’avait pas ménagé ses critiques lorsque Washington a entrepris d’encadrer plus sévèrement Wall Street après la crise financière de 2008-2009.

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Des sources de la sous-commission ont indiqué que les pertes semblaient dépasser 6,2 milliards de dollars, sans qu’il soit possible de les chiffrer exactement parce que les transactions faites à l’origine par le Chief Investment Office (CIO) de Londres ont été déplacées dans d’autres départements de la banque. Elles ont ajouté que la banque avait refusé de leur donner davantage d’informations concernant la valorisation de ces positions.

Le sénateur Carl Levin, qui préside la sous-commission, a dit qu’il n’avait pas encore décidé s’il soumettrait le rapport à des autorités judiciaires civiles ou pénales. Il a ajouté que celle-ci pourrait prodécer à de nouvelles auditions, voire convoquer Jamie Dimon lui-même.

ACCROCHAGES EN COULISSES

En plus de ses critiques sur le travail de recadrage du législateur, la banque a aussi eu de fréquents accrochages en coulisses avec les régulateurs l’an passé à mesure que les pertes s’accumulaient. Pis, Jamie Dimon a même, à un moment donné, ordonné qu’on ne transmette plus de rapports quotidiens de pertes et de profits de trading à l’Office du contrôleur de la monnaie (OCC), l’une des principales autorités de tutelle de la banque, craignant des fuites, lit-on dans le rapport.

Quand Douglas Braunstein, qui était à l’époque directeur financier, a pris l’initiative de transmettre à nouveau ces rapports quelques jours plus tard, Jamie Dimon l’a très mal pris, le morigénant sévèrement, dit encore le rapport. Douglas Braunstein a quitté son poste au début de l’année, pour occuper les fonctions de vice-président, s’attachant plus particulièrement à la clientèle.

Ina Drew, responsable des investissements de la banque, a elle affirmé que l’OCC tentait purement et simplement de “détruire” les activités de la banque.

Toujours selon le rapport, la banque a changé ses méthodes d’évaluation du risque pour contourner les règles de fonds propres. Le document cite des courriels dans lesquels un analyste de la banque se fait fort de remodeler les procédures pour dissimuler l’augmentation des risques au sein du CIO. “La banque a accru le risque en présentant faussement le portefeuille comme un instrument de couverture et de réduction du risque alors qu’il s’agissait en fait de trading pour compte propre”, a dit le parlementaire républicain John McCain, membre de la sous-commission, à la presse.

Les parlementaires critiquent par ailleurs l’OCC, lui reprochant de n’avoir pas tenu compte des signaux d’alarme et de n’avoir pas contrôlé la banque avec suffisamment de rigueur. Un porte-parole de l’OCC a dit que l’organisme admettait ses carences et avait pris des mesures pour améliorer la procédure de surveillance. Il a ajouté que l’OCC poursuivait ses investigations et “prendra de nouvelles dispositions si besoin est”.

INSENSÉ”

Selon des courriels figurant dans le rapport, Bruno Iksil, le trader responsable de la position de trading en question, a conseillé à la banque d’assumer les pertes et de laisser les positions existantes tout simplement expirer. Néanmoins, les traders ont continué d’alimenter les positions et en mars, leurs superviseurs les exhortaient à les valoriser de la manière la plus avantageuse, quand bien même ils dérogeraient aux pratiques habituelles de la banque en la matière. “Je ne sais pas quand il voudra s’arrêter mais ça devient insensé”, écrivait Bruno Iksil dans un message instantané, au sujet de son superviseur.

Le 23 mars, Bruno Iksil estimait dans un courriel que le portefeuille avait perdu dans les 600 millions de dollars, suivant des valorisations médianes, et 300 millions, suivant les valorisations “les plus avantageuses”. Or la perte quotidienne affichée n’était que de 12 millions de dollars.

Ina Drew avait ordonné de stopper tout trading sur les dérivés concernés le même jour. Pour autant, la banque a continué de sous-évaluer les pertes de la position jusqu’en mai, souligne le rapport.

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Lire la note de blog : JPMorgan : la baleine et le verre d’eau

Source: Le Monde

Benji

2 Commentaires

  1. J’avoue que la photo me fait bien marrer.Quel pied, quel bonheur de les voir tirer des gueules pareilles….
    Tic tac tic tac, l’heure arrive où il leur faudra rendre des comptes et ravaler leur suffisance et leur arrogance….

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