Ces agriculteurs à qui on refuse le droit de vote

Quand il s’agit d’encaisser de l’argent, on les considère comme étant des agriculteurs, mais lorsque il s’agit de leur donner le droit de parole, il n’y a plus personne! Logique à la française…

Ils sont plus de 60 000, exercent pour la plupart le métier d’agriculteur, cotisent au régime agricole… mais ne bénéficient pas du droit de vote aux élections professionnelles, ni de l’ensemble des droits sociaux. La raison ? Trop petite surface, trop petit revenu. La Confédération paysanne a lancé une campagne pour la reconnaissance des droits de ces « cotisants solidaires ». Enquête sur ces paysans de seconde zone, pas assez productifs pour voter.

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Imaginez un règlement qui vous interdise de voter aux élections professionnelles et prud’homales pour l’unique raison que votre salaire est trop modeste… C’est pourtant bien ce qui se passe pour 61 417 petits agriculteurs, appelés « cotisants solidaires ». Soit 12% du monde agricole. Ils dépendent du régime agricole, cotisent à la Mutualité sociale agricole (MSA) – l’organisme de protection sociale obligatoire des salariés et exploitants du secteur en France – mais ne disposent que de droits très restreints.

Les chambres d’agriculture, dont les élections auront lieu en janvier 2013, les instances de la MSA ou les tribunaux paritaires, leur sont fermés. Pas d’éligibilité, pas de droit de vote. Et ce, même dans le cas où l’agriculture constitue leur activité principale. Cotiser à la MSA ne leur ouvre aucun droit à l’assurance maladie, à la retraite ou aux allocations familiales [1]. Les cotisants solidaires ne bénéficient pas non plus des aides à l’installation, ni du droit à construire un logement en zone agricole. Et l’accès au foncier ? « Si une parcelle est en vente et qu’un cotisant solidaire est intéressé, il n’est pas prioritaire », déplore Michel David, secrétaire national de la Confédération paysanne.

Trop petit pour voter

La raison de cette discrimination ? Une trop petite surface, et une trop petite production. « L’idée au départ de cette cotisation était de faire contribuer aux caisses de la MSA ceux qui avaient des terres et qui n’en faisaient rien », explique Michel David. Une manière notamment d’encourager les retraités à louer ou à vendre leur terre. «  Le problème aujourd’hui c’est qu’avec ce “faux statut”, non seulement les cotisants solidaires ne sont pas considérés comme des agriculteurs, mais ils sont en plus privés de tous les droits, sociaux et politiques ».

« C’est une situation complètement injuste quand on sait que les conjoints collaborateurs [les conjoins d’exploitants agricoles, au nombre de 47 670, selon la MSA, ndlr] ont le droit de vote, alors que certains d’entre eux n’aident que rarement ou exercent une autre activité professionnelle », s’insurge Michel David. « C’est vrai que l’on compte parmi les cotisants solidaires des pluriactifs, des avocats voir même des chanteurs qui possèdent des terres, mais ce n’est pas pour eux que l’on se bat. On demande le droit de vote pour tous ceux qui ne peuvent pas se présenter alors qu’ils sont très engagés ».

De plus en plus d’installations

Ce statut de seconde zone est conditionné à la surface mise en production. Est considérée comme cotisant solidaire, une personne qui exploite une surface comprise entre 1/8ème et une demi « surface minimum d’installation » (SMI). Celle-ci varie entre les départements et selon les cultures. Dans l’Aude par exemple, quelqu’un qui exploitera entre 11,5 et 23 hectares sera considéré comme cotisant solidaire. A partir de 23 ha, la personne est reconnue exploitant agricole et bénéficie de tous les droits sociaux et politiques associés.

Il existe aussi des équivalences entre les cultures. Un hectare de maraîchage correspond par exemple à 10 hectares de grande culture. Mais certaines productions, comme la spiruline (une algue utilisée comme complément alimentaire), ne sont toujours pas répertoriées. Il est cependant possible de s’affilier en tenant compte du temps de travail. Si l’activité représente entre 150 et 1 200 heures de travail par an, on devient redevable de la cotisation de solidarité. En Auvergne ou en Languedoc-Roussillon, les cotisants solidaires représentent ainsi la moitié des installations agricoles ! Dans l’Aude, 40 % des nouveaux installés en 2010 ont ce statut [2]. Parmi eux, on trouve des petits agriculteurs, des pluri-actifs et des « néoruraux ». 19 000 cotisants solidaires se considéraient, en 2008, comme des agriculteurs, selon une étude de l’organisme de formation Vivea.

Pas le droit de vendre leurs produits

Pourtant, un cotisant solidaire ne dispose pas, forcément, du droit de commercialiser sa production. La vente suppose d’être affilié aux régimes d’assurance maladie, retraite et allocations familiales… ce qui n’est pas compris dans la cotisation de solidarité. « Une bonne partie des cotisants solidaires sont des petits producteurs en Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne), souligne Michel David. Il est aberrant qu’ils n’aient pas le droit de vendre leurs produits à cause d’une trop petite surface ». L’application des règlements n’est heureusement pas la même partout. Certains départements reconnaissent l’installation progressive dans le cadre d’accords [3].

La Confédération paysanne a décidé de se battre pour que les cotisants solidaires bénéficient de l’égalité des droits. D’autant que le premier dépôt pour les inscriptions sur les listes électorales, pour les élections aux chambres d’agriculture de janvier 2013, doit se faire avant le 15 septembre.« L’enjeu à court terme est d’obtenir l’égalité politique entre tous les paysans actifs », assure le secrétaire national de la Confédération paysanne. Outre une lettre ouverte envoyée au Président de la République, le syndicat a également déposé un projet de texte règlementaire auprès de Stéphane le Foll, ministre de l’Agriculture. Ce dernier a répondu fin août que l’« on ne changeait pas les règles à quelques mois d’un scrutin ». Un argument qui ne tient pas, selon Michel David. « Ils ont bien changé le seuil de la représentativité en juillet. La véritable raison, c’est qu’ils ne veulent pas déplaire à la FNSEA ». Le profil des cotisants solidaires, néoruraux ou petits agriculteurs pour l’essentiel, ne correspond pas vraiment aux affiliés du syndicat majoritaire…

Le droit de vote pour commencer

Progressivement, à force de pressions, les cotisants solidaires reconquièrent leurs droits : droit à la formation ainsi qu’à l’assurance accident du travail et maladies professionnelles. L’Assemblée générale de la Mutualité sociale agricole Grand Sud (regroupant les caisses de l’Aude et des Pyrénées-Orientales) a voté en 2011 un vœu [4] pour l’intégration des cotisants de solidarité dans la catégorie des exploitants, avec les droits afférents. La caisse centrale de la MSA reconnaît également vouloir s’affranchir du critère « surface » afin d’intégrer à terme les cotisants de solidarité.

Des élus, parlementaires ou sénateurs, ont d’ores et déjà interpellé le gouvernement à ce sujet [5]. La Confédération paysanne demande que cette reconnaissance soit suivie d’une concertation sociale afin d’engager le débat avec l’ensemble des partenaires sur la capacité contributive des cotisants solidaires, une demande également émise par la MSA. L’une des conséquences sera le transfert de ces actifs agricoles vers un régime et une couverture sociale en rapport avec la nature de leur activité. Il y a quelques jours, Michel David a rendu symboliquement sa carte d’électeur politique au ministre de l’Agriculture. « Je lui ai dit que je la reprendrai quand mes copains auront aussi le droit de vote ».

Sophie Chapelle

Notes

[1] Le montant de la cotisation est égal à 16% des revenus professionnels agricoles auxquels il convient d’ajouter 8 % de CSG et CRDS. En 2007, le montant moyen de cette cotisation était de 200 euros/an

[2] Selon le journal de la Chambre d’agriculture de l’Aude (2e trimestre 2011).

[3] Entre les ADEAR (Association pour le développement de l’emploi agricole et rural) et les Chambres d’Agriculture.

[4] Télécharger le vœu

[5] Voir notamment la question de Brigitte Allain (députée de Dordogne) au ministre de l’Agriculture.

Source: Bastamag

Benji

13 Commentaires

  1. C’est certainement une coïncidence que ce type d’exploitations corresponde bien souvent à des écolos qui ne gavent pas ce pauvre Monsanto.
    Merci la FNSEA !
    Pour ceux qui ne connaissent pas la FNSEA et le principal syndicat agricole au service des lobbys.

    • La FNSEA n’est rien d’autre qu’une structure de lobbying montée pour imposer les vues des gros, rien à foutre des petits ! Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on retrouve ce genre d’article ou si les dirigeants de cette FNSEA se trouvent TOUS dans les secteurs géographiques les plus clairs sur la carte (pour être précis, on les retrouve principalement en Beauce, région centre… Grenier à blé -dans tous les sens du terme- et lieu des exploitations immenses)

  2. ça s’appelle de la discrimination. C’est là qu’elle est la discrimination. petits paysans, petites pharmacies, petits labos, enfin tout ce qui n’appartient pas à la mafia n’a pas le droit de vivre. Pendant se temps on gave les gens de mariage homos et de discrimination hommes femmmes pour masquer la vraie.

  3. tous se qui marche dans le bon cens son rejeter.
    je leur dis bonne journée,et ne perde pas votre temps a vous battre contre la bêtise de certain.

  4. Ils n’ont qu’à vendrent leurs produits directement aux consommateurs ,mais comme je l’ai déjà dis ,c’est PLUS CHER,ces corniauds attendent que cela vas mal pour s’enrichir comme en 40/45.
    Ils consomment leurs productions,ne dépensent qu’un minimum,vivent en exploitant des journaliers et j’en connais qui achètent des oeux aux grandes surfaces pour les vendre BIO au marché.

      • Je connais PAS de fermiers,paysans (à part 1 ou 2 qui pour un verre en + vente Madelon)qui ne se plaignent PAS du temps de paix.
        Ces gens ne sont plus respectés car ils s’enrichissent sur la misère des autres et en sont FIER.
        Vendus qu’ils sont aux subventions et autres Monsanto,quand ils sont malades des pollutions qu’ils distribuent aux consommateurs cela est pas juste.?
        Je vois chez moi (en Flandre)des champs avec des lignes de POMMIERS aspergés généreusement et cueillis par des exploités parlant je ne sais quelle langue, ces agriculteurs?,je les rencontre au café,oui,moi,donc ces mec,en général RACISTES et rigolos ,bon vivant ha ha se plaignent du temps qu’il fait..
        Les bonnes pommes ,ha ha

    • Mais ils n’en ont pas le droit ! La vente est réservée aux “vrais” agriculteurs.

  5. Depuis 50 ans les hommes parlent des prôblèmes écologiques, agricoles, humanitaires ou autres comme si celà allait se solutionner. Mais jamais rien n’est fait qui pourrait toucher à leurs interrêts. Et tout est fait pour le pire encore maintenant.
    Une bonne idée et des milliers de personnes se trouvent soulagés.Un rassemblement écotruc ou énergie machin, (vivre et travailler autrement qui devient vivre et habiter autrement) et quelques milliers de personnes se gonflent la poitrine.
    Mais rien n’est fait, absolument jamais rien n’est fait dans le bon sens.
    Les prix de l’ivoire auguementent,les ailerons de requins aussi et la demande ne cesse de croître. La misère se répend comme une trainée de poudre. Les richent deviennent encore plus riche.
    Les abeilles prospèrent mieux en ville qu’à la campagne.
    Ce sont les trusts pharmacochimistes/banquiers qui dictent leurs lois.

  6. Y’a + que des gifles qui se perdent,ma foi!!
    Octave Mirbeau l’avais dis:greve des électeurs!!
    pour ce qui est des agriculteurs ne pouvant ‘voter’,,bah,
    dsl,mon truc perso:se démerdez sans ‘compter’ sur ce truc pseudo gouvernateur tous confondus..
    de toute façons,ce truc,quand ça va vraiment partir en vrille,bien évidemment l’est + la le truc:bah l’es ou le truc,cacher,,?hein!!
    respect pour ceux qui cultives,aimes,respectes,fertilises,échanges véritablement avec leur coeur la nature,
    les autres tous confondus n’ont pas lieu que l’on y prette attention ou quoi que ce soit.
    jp31 pour vous servir..

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