Armement et souveraineté nationale : La France perd son manufacturier de bombes pour les Rafale

Ubuesque! La France a son avion de combat, le rafale, mais elle n’a plus les bombes pour le ravitailler! En effet, le fabriquant arrête la production! Et maintenant, à qui la France pourrait acheter son matériel? Les États-Unis et Israël, grave quand même…

La France devra se tourner vers des bombes étrangères pour ses chasseurs Rafale, du fait de l’arrêt de la production par son unique fabricant de matériel aéronautique, la Société des Ateliers Mécaniques de Pont-sur-Sambre (SAMP), et ce en raison du nombre de commandes nationales en déclin selon le directeur Christian Martin.

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La SAMP, une petite entreprise située près de Lille dans le nord de la France, a été un constructeur et un partenaire de premier ordre en matière de bombes conventionnelles pendant plus de 50 ans, en tant que fournisseur exclusif de l’Armée de l’Air française et l’Aéronavale.

Monsieur Martin, propriétaire et dirigeant, a injecté 9 millions d’Euro sur ses fonds personnels dans l’entreprise qui fabrique les bombes Mk81 de 125 kg, Mk82 de 250 kg et Mk3 de 500 kg.

Il indique que la SAMP est la seule firme de petite taille en Europe qui produit des bombes pour avions.

Qui développe de nouveaux produits pour l’attaque air-sol ? Les Américains, qui d’autre ? Personne, dit-il.”

Des entreprises israéliennes développent des bombes pour avions mais, d’un point de vue politique, il serait cocasse que la France en achetât à Israël.

L’approvisionnement futur pourrait être décidé par le biais d’accords compensatoires à l’exportation. Par exemple : si la France vend le Rafale à l’Inde, le gouvernement accepterait d’acheter des bombes indiennes.

Etienne de Durand, directeur des études sur la sécurité pour l’Institut Français des Relations Internationales, indique que “les compensations acceptées par les grandes compagnies comme faisant partie des contrats d’exportation mettent la pression sur les sous-traitants nationaux du fait du transfert du travail sur les fournisseurs locaux”.

Un analyste de la défense ajoute qu’un terme de la manufacture nationale soulève les problématiques de politique industrielle, en décidant de manière effective quelles compétences sont estimées non stratégiques.

“Ceci est l’élaboration de la politique industrielle” dit Hélène Masson, une collègue de recherches de la Fondation pour la Recherche Stratégique. “Si vous achetez des composants stratégiques à l’étranger, vous devenez dépendants.”

Le parlementaire français François Cornut-Gentille voit la SAMP comme un précurseur des perspectives sombres auxquelles sont confrontées d’autres petites et moyennes entreprises, au même titre que de grands groupes.

Monsieur Cornut-Gentille précise que “les coupes de budget envisagées et le débat féroce entre l’Etat-Major et la direction des achats sous contrôle d’études de faisabilité mettront la pression sur le financement en matière de recherches et de technologie, ce qui est souvent utilisé comme outil de politique industrielle.”

Monsieur Martin déclare que la fin de la production reflète l’incapacité du Ministère de la Défense à commander de nouvelles armes, notamment des bombes à rayon de destruction réduit pour l’usage urbain et une munition pénétrante. Il soutient qu’une absence de production nationale conduira à une perte d’indépendance.

“Vous perdrez la souveraineté national” dit le PDG de la SAMP. “Si demain le Président annonce qu’il va attaquer la Libye, il devrait savoir quelles ressources il a à sa disposition. S’il doit demander cela à un pays qui n’est pas favorable à cette politique-là, cela posera un problème.”

La SAMP maintiendra l’activité de son bureau de conception, lequel est équipé en progiciel sophistiqué.

La France a fait du Mk82 sa bombe conventionnelle d’entrée de gamme, elle est basée sur une conception américaine, après qu’il ait été constaté que ses propres munitions n’étaient pas interopérables dans le cadre de la Guerre du Golfe de 1991 et la séparation de la Yougoslavie.

Monsieur Martin indique que la campagne aérienne sur l’ex-Yougoslavie au milieu des années 90 a conduit la France à commander de près de 3000 bombes au standard OTAN par le biais du programme américain Foreign Military Sales dit FMS (Ventes Militaire à l’Etranger). Les munitions, qui utilisaient l’explosif PBX ERDX 109 d’Eurenco furent livrées avec du retard et en-deçà des standards de sécurité français.

Les forces françaises convertissent les bombes Mk82 au standard OTAN produites par la SAMP en armes propulsées intelligentes en y adaptant les modules AASM (Armement Air-Sol Modulaire) de Sagem qui, par extension, furent utilisés lors de la campagne de Libye.

Pour monsieur Martin, la campagne de Libye a justifié un mode de production basé sur un très haut niveau de qualité.

“En Libye, le Rafale a fait la démonstration de sa performance, de ses possibilités multi-champs, c’était clair”, dit-il. “L’AASM l’a montré. Les résultats des attaques aériennes ont montré que les effets voulus ont été obtenus, la bombe a joué son rôle, la charge explosive a joué son rôle.”

Il ajoute à cela que le succès en Libye “a été le résultat de 10 ans d’efforts pour la SAMP, AASM et Dassault. Le résultat était sans faute en termes de mission.”

Selon monsieur Martin, la Libye a également montré le besoin en arme urbaine. Cela signifierait de trois à cinq ans de travail pour 10 à 15 millions d’Euro.

Monsieur Martin indique que la capacité du Rafale à effectuer des sorties qui combinent à la fois reconnaissance et attaque a été possible grâce à la décision prise en 2000 par la SAMP de fabriquer des douilles de bombe Mk82 assez solides pour survivre à 200 heures de vol et à des cycles de 50 décollages/atterrissages, bien plus que les 5 cycles de décollages/atterrissages atteints difficilement par la bombe américaine.

Une grande longévité de service pour la Mk 82 française ne semblait particulièrement utile en 2000, alors qu’il n’y avait pas de module AASM et que le Rafale n’était pas opérationnel, précise monsieur Martin. Toutefois, l’adaptation du module AASM, d’une valeur de 100.000 à 150.000 Euro l’unité, a fait de chaque Mk82 sur Rafale un atout de grande valeur et de la longévité de service un avantage.

La bombe représente 5% du coût du système d’arme AASM “mais l’effet désiré est de 100%”, dit monsieur Martin.

Le module Raytheon Paveway 2 est estimé pour environ 25.000 dollars, tandis que le Paveway 4 est aux alentours de 45.000, explique-t-il.

Les clients à l’exportation peuvent acquérir une bombe Mk 82 fabriquée par General Dynamics pour environ 200 à 300 dollars l’unité, alors que le prix total dans le commerce serait entre 3000 et 4000 Dollar, dit monsieur Martin.

En 2006, l’entreprise a commencé à travailler sur la P250, une version pénétrante de la Mk82, munie de 25 kg d’explosifs et d’un châssis en composite accueillant une douille en acier. Les essais ont démontré qu’elle était aussi efficace que la BLU 109 d’une tonne de fabrication américaine.

Les essais ont indiqué que le produit de la SAMP pouvait traverser 6 étages de quelques 20 centimètres de béton chacun avant d’atteindre sa cible.

Monsieur Martin est amer du fait que lors de sa visite de l’usine en mai 2009, le Ministre de la Défense d’alors, Hervé Morin, avait promis des commandes pour 2,5 millions d’Euro sous couvert d’un plan de redressement de la Défense et comme soutien pour ses efforts à l’exportation. Le contrat ne s’est jamais matérialisé, dit monsieur Martin.

A l’heure de la publication, monsieur Morin n’a pas donné suite à nos appels.

Source: theatrum-belli.com

Benji

2 Commentaires

  1. Quand on utilise une bombe pour tuer ou détruire c’est toujours un échec. C’est ignoble de se féliciter d’un “succès” qui tue des gens.
    Ce qui n’enlève rien aux problèmes d’indépendance soulevés.

  2. Le “besoin en arme urbaine” ? Outre le fait qu’il y a aucune urbanité dans le fait de bombarder quelqu’un, il me semblait que nous étions parvenus à des résultats très satisfaisants contre les chars en milieu urbain, avec de simples bombes d’exercice ? (250 kg de ciment durci qui arrivent à 300 m/s ça le fait bien, quand on on a la précision)

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