Mario Draghi, un soupçon de Goldman Sachs à la BCE

On comprend beaucoup mieux à présent les tenants et les aboutissants ….

Mario Draghi, le successeur de Jean-Claude Trichet à la BCE, qui doit gérer l’euro, est passé par la banque d’affaires qui a camouflé les comptes grecs. Créant les conditions au déclenchement d’une crise dont l’euro est la cible. Où est l’erreur?

Masque de Mario Draghi lors d'une manifestation contre la politique économique i

– Masque de Mario Draghi lors d’une manifestation contre la politique économique italienne le 12 octobre à Rome. REUTERS/Stefano Rellandini –

Dans la crise de la dette souveraine en Europe, la Grèce aura été un détonateur. Mais on sait aujourd’hui qui a masqué les déficits budgétaires du pays pour qu’il soit éligible à l’euro, c’est-à-dire qui a renversé le baril de poudre pour cacher les trous dans les comptes. On sait aussi qui a ensuite spéculé contre la capacité du pays à rembourser ses dettes, et a en quelque sorte allumé la mèche. Un scénario véritablement explosif, dont la banque d’affaires Goldman Sachs est, sans qu’on puisse en douter, l’auteur.

Or, Mario Draghi, ex-associé de cette banque, va devenir le président de la Banque centrale européenne. Il va ainsi être chargé de la stabilité de la monnaie alors que son ancien établissement a consciencieusement triché pour contourner les règles qui garantissent cette stabilité.

Dans la vie réelle, des sanctions auraient été prononcées contre la banque en question. Et les auteurs de ce genre de manipulation en auraient subi les conséquences. On se souvient aussi que, pour avoir camouflé des irrégularités dans les comptes du courtier en énergie Enron, le cabinet d’audit Arthur Andersen –l’un des big five mondiaux— fut emporté dans le scandale et ne s’en releva pas. C’était en 2001.

Dix ans plus tard, sur un dossier qui révèle des pratiques transgressives au regard de l’éthique, Goldman Sachs empoche les dividendes. Et il suffit à l’un des vice-présidents en poste à cette période d’affirmer qu’il n’était au courant de rien, pour qu’on le croie sur parole et lui offre le poste peut-être le plus important aujourd’hui de la zone euro. Le pouvoir de Goldman Sachs est-il si grand, et les champions de cette écurie sont-ils à ce point intouchables?

La gueule de l’emploi

Au regard de sa seule carrière, Mario Draghi n’est pas illégitime à la tête de la BCE. Passé par la Banque mondiale, il devient directeur du Trésor italien et sera à ce titre, l’une des chevilles ouvrières de l’introduction de l’euro en Italie. Nommé à la tête de la Banque d’Italie en 2005, il accède au conseil des gouverneurs de la BCE, son principal organe de décision.

Fort de son expérience et de sa longévité au Trésor italien où il aura travaillé aussi bien avec Mario Prodi que Silvio Berlusconi, sa candidature à 63 ans à la succession de Jean-Claude Trichet est justifiée.

Toutefois, c’est  l’Allemand Axel Weber qui avait vocation à reprendre le flambeau. Mais à cause de son désaccord à l’égard de la politique accommodante de la BCE lorsqu’elle s’est affranchie de l’orthodoxie pour s’adapter à la crise, l’ancien président de la Bundesbank démissionna de ses fonctions. Le terrain se dégageait pour Mario Draghi, qui s’y engageait.

On aurait pu penser que l’Allemagne aurait mis son veto à cette nomination, à cause de la mauvaise image de l’Italie dans la gestion de ses comptes. Berlin n’a jamais manqué d’adresser à Rome des critiques sur son manque de rigueur budgétaire, et son soutien à un ancien gouverneur de la Banque d’Italie n’était pas acquis. Mais celui-ci n’a pas le caractère provocateur ni l’arrogance d’un Berlusconi. Jésuite de formation, aussi scrupuleux sur la rigueur que Trichet et plus politique que Weber, il a été adoubé par les 17 chefs d’Etat et de gouvernement de l’euro.

Goldman Sachs et le pot de confiture

Le problème, ce sont les années 2002 à 2005, au cours desquelles Mario Draghi occupa les fonctions de vice-président international chargé de l’Europe chez Goldman Sachs. A ce titre, il avait dans son escarcelle la dette des Etats, cette fameuse dette souveraine dont, s’agissant de la Grèce, Goldman Sachs aurait caché l’ampleur en utilisant des produits dérivés.

La Grèce a rejoint en 2001 le club des onze pays fondateurs de l’euro. Certes à cette époque, Draghi n’est pas chez Goldman. Mais on ne saurait imaginer que, une fois en place, les écrans de fumée établis sur les comptes grecs aient pu tromper son attention alors qu’ils entraient dans son champ de compétences… à moins que Draghi n’ait pas exercé son pouvoir de supervision. Difficilement concevable. Pourtant, il n’a rien signalé publiquement, comme s’il avait par là cautionné certaines pratiques opaques destinées à contourner le Pacte de stabilité financière établi pour, précisément, la sauvegarde de l’euro.

Des membres de la Commission économique et monétaire du Parlement européen ont demandé à Mario Draghi des éclaircissements. Celui-ci a toujours affirmé qu’il ignorait tout de ces pratiques. Bien sûr, il n’a pas convaincu tout le monde, à commencer par le journaliste Marc Roche, auteur du livre La Banque – Comment Goldman Sachs dirige le monde pour qui le nouveau patron de la BCE a forcément été au moins indirectement mêlé au maquillage des comptes grecs.

Mais les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro se sont contentés de l’acte de foi de Mario Draghi, sans émettre aucune réserve suite au rôle joué par Goldman Sachs dans l’affaire grecque.

Une banque privée au sommet des instances publiques

Il est vrai que l’on ne met pas en cause aussi facilement un membre de cette banque. Henry Paulson y passa 32 ans avant d’être appelé en 2006 au poste de secrétaire d’Etat au Trésor américain, un poste qu’il occupait lorsque la banque Lehman Brothers, l’ennemie jurée de Goldman Sachs, fut acculée à la faillite et que les pouvoirs publics (secrétariat au Trésor compris, bien sûr) décidèrent de ne pas la secourir. C’était en septembre 2008. On connaît la panique qui s’en suivit.

En Europe, c’est l’ancien commissaire européen en charge de la concurrence Peter Sutherland qui préside la filiale. Et l’ancien commissaire Mario Monti ainsi que l’ancien président de la commission Romano Prodi en sont des conseillers. Ainsi, Mario Draghi ne manquait pas d’appuis et de réseaux déterminants pour soutenir sa candidature. Goldman Sachs, faiseur de rois, infiltre dorénavant les plus hautes sphères publiques.

Les «indignés» prennent date

Attac porte déjà le fer, dénonçant un conflit d’intérêt:

«La nomination de M. Draghi clarifie donc les choses. La BCE défend non pas l’intérêt des citoyens et contribuables européens, mais l’intérêt des banques.»

A la limite, avant même de savoir si le nouveau président de la BCE peut avoir ou non une responsabilité dans l’affaire grecque, le problème est que la question puisse être posée et que personne n’avance d’arguments convaincants pour lever le doute, alors que le rôle joué par Goldman Sachs est, lui, avéré. Pas sûr qu’un jour, sous la pression de la BCE et de la dette conjuguée, les «indignés» de Grèce et d’ailleurs ne le rappellent bruyamment à son président.

Source: slate.fr

By: pokefric

 

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2 Commentaires

  1. Solidarité et Progrès en parlent depuis 2 ans facile, ils ont vu la montée de Draghi, or c’est une belle râclure en effet…

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