Vandoncourt, un village auto-géré depuis 1971 : démocratie participative-délibérative & contrôle populaire….

Laurence avec sagesse, nous exhortait à trouver un projet fédérateur. Il ne tient qu’à nous de foncer et de s’émanciper, d’un pouvoir qui a choisi le camp du mondialisme et de la haute finance, quitte à faire disparaître les pays, dans un salmigondis de régions qui diluées, perdront leurs spécificités au profit de l’uniformité. C’est possible, d’autres l’ont fait comme Marinaléda en Espagne, et en France avec Vandoncourt, au lieu de critiquer, il faut se sortir les doigts du…. nez et agir. Un reportage de 2010 à méditer..

PROBLÉMATIQUE : Démocratie directe, pouvoir aux citoyens. Le 28.09.2010.

Banqueroutes frauduleuses, crise du climat, chômage, pollutions, exclusions… S’il est un sentiment largement partagé par la population dans son ensemble, c’est bien celui de l’impuissance généralisée du citoyen face aux grands problèmes de notre temps. La démocratie représentative a réussi ce tour de force de détourner le pouvoir de l’individu au profit d’assemblées et d’états sans pouvoirs et sans scrupules face aux diktats économiques de la pensée unique. Le comble du cynisme, ou du ridicule, est atteint, en plus, lorsqu’on le considère comme responsable de tous les maux, et qu’on lui enjoint de changer d’attitude pour sauver la planète : veillez à  bien fermer le robinet d’eau quand vous vous lavez les dents ! Pour les retraites, désolé, mais il n’y a pas d’autre solution ! Que faire, sinon baisser les bras dans ce désert politique ? Et pourtant…

VANDONCOURT, LE VILLAGE QUI ÉLÈVE LA VOIX

Le Jura, c’est comme le nord de la chanson, c’est d’abord un gros cœur, depuis longtemps. Ce haut lieu d’expérimentation sociale, qui a vu naître le théoricien anarchiste Proudhon et les coopératives ouvrières, a gardé, au fond de son âme, le goût de l’initiative et de l’innovation sociale. Souvenons nous de la lutte héroïque des LIP et des tentatives autogestionnaires. Pas très loin de Peugeot/Sochaux, niché à quelques centaines de mètres d’altitude, un village sans doute très peu différent de beaucoup de villages français, avec son église et sa mairie, Vandoncourt. Ce petit village du Doubs, pourtant, expérimente le pouvoir réel aux citoyens, la démocratie directe, depuis quarante ans, et ça marche !  Là se joue sans doute, à l’insu des protagonistes peut-être, une des plus formidables expérimentations d’avenir : la reprise en main du pouvoir global par la population, en un mot, la vraie démocratie. Petit cours d’utopie pratique.

Inspiré d’un système communautaire traditionnel

En 1970, « 68 » n’est pas très loin, et il va laisser un parfum libertaire qui va se répandre entre des habitants du cru, lassés de la somnolence municipale, et deux personnes, de retour de Madagascar,  et tombées amoureuses là-bas des célèbres « conseils des sages » sous les arbres à palabres. La rencontre entre une effusion qui va bouleverser la France pour longtemps et une pratique authentique millénaire va être détonante. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, dans un village aseptisé par manque de projets, un sondage est organisé, un programme élaboré, une liste déposée, un slogan diffusé : on est plus intelligents à plusieurs que seul ! La liste l’emporte. Elle se donne en plus une contrainte majeure : on fonctionne au consensus, pas à la majorité, comme à « Mada » ! Dame, les pauvres auraient-ils quelque chose à nous apprendre ?

Démocratie directe, autogestion et contrôle populaire

Une fois en place, la nouvelle équipe met en pratique les principes qui l’ont fait élire : information libre et transparente, aucun sujet tabou, commissions extra-municipales en place sur divers sujets (enfance, bâtiments, budget…) ouvertes à tous, réunions publiques mensuelles informant ceux qui ne peuvent se rendre aux réunions préparatoires, conseil des jeunes, des anciens, des associations ! Les structures démocratiques se multiplient, et provoquent une libération de l’expression. Le village devient un village sans maire, sans hiérarchie, autonome. Démocratie directe va de pair avec autogestion et  contrôle populaire… On essaie de donner à cette démocratie que l’on réinvente toute sa dimension émancipatrice.

Le consensus, garant de la cohésion

Cet engouement n’a pas empêché les difficultés et l’usure de s’installer. Au fil du temps, les habitants ont dû apprendre beaucoup de choses. En premier lieu, rendre leur système conforme à la législation. Ensuite peaufiner l’art d’administrer ensemble malgré les divergences, apprendre à exprimer et entendre des points de vues divergents… Tout cela les a conduits à avancer par consensus.

Exemples de questions traitées par les conseils populaires

Ainsi, Vandoncourt est la seule commune de France où les électeurs, français et étrangers, peuvent participer dès l’âge de 15 ans. Ensuite, le projet final chiffré est présenté au conseil municipal qui valide les décisions prises par les diverses  commissions, le tout dans les formes légales imposées par la loi. Quelques  exemples parmi d’autres : la commission du budget pose la problématique suivante, après avoir affiché tous les postes de dépenses : faut-il reporter certains travaux, ou augmenter les impôts ? Solution mitigée, on fait un peu des deux, après débat général. D’autres fois, des solutions sortent du cadre strictement marchand : pour la décoration du village, la mairie achète des fleurs, mais ce sont les habitants qui s’en occupent toute l’année. Les fontaines du village sont en mauvais état : on organise un chantier participatif avec les associations locales, voire internationales. Pour le POS, création de  collèges d’élus, d’agriculteurs, de propriétaires résidents… Des représentants sont désignés pour discuter avec les autres partenaires (DDE, services techniques de l’Etat…). Plus les avis divergent, plus le débat est riche. Un parmi les sujets qui ont le plus fâché : le remembrement ! Et une des solutions originales trouvées : s’échanger l’usage plutôt que la propriété.

ÉCOLOGIE SOCIALE

Vandoncourt n’est pas en reste en ce qui concerne l’un des problèmes majeurs de notre temps, l’écologie. C’est là que fut créé le premier tri sélectif des déchets il y a trente ans, c’est là que l’on commença à s’opposer à l’enrésinement, c’est là que l’on prit position très tôt dans les grandes luttes nationales (Larzac, canal Rhin-Rhône, fusées pluton, nucléaire…). Localement, un chauffage collectif des bâtiments communaux à base de bois déchiqueté a été installé, bois provenant de la forêt communale de 300 ha qui appartient au village, exemple typique de développement de circuits courts. Mairie, école, foyer, salles communales, distillerie de cidre, pompiers, bibliothèque, 5 logements collectifs et un atelier communal bénéficient ainsi de la chaufferie, et économisent non seulement les finances, mais aussi les énergies fossiles. Les tailles des arbres fruitiers resservent sur place sous forme de BRF, un verger pédagogique, un projet pour relier à pied ou en vélo plusieurs villages alentour, développement d’habitat léger… Il y a autant de projets que d’habitants. On peut recenser 20% des habitants qui participent ainsi activement à cet essai réussi de démocratie générale, et la moitié de la population qui fait partie des 28 associations qui préparent la vie communale. Qui dit mieux ?

Communication et formation des jeunes

L’avancée régulière des travaux est inscrite dans la « Damassine », publication trimestrielle, et relayée dans les deux publications locale et régionale. L’école participe activement à la mise en place des actions des commissions, offrant ainsi aux enfants, dès le primaire, les moyens de s’impliquer dans la vie démocratique de la commune ainsi qu’aux actions des associations… Nul doute, si l’on se projette dans le futur, que des citoyens ayant pratiqué une telle démocratie dès le plus jeune âge, dans des projets de développement locaux, ne puisse construire, dans la même logique, une société plus à même de répondre aux gigantesques défis qui nous attendent. Peut-être est ce là même la seule issue.

La loi est l’expression de la volonté du peuple

Dès lors qu’il y a débat et contrôle populaire, alors le circuit des décisions est neuf : on pèse, on argumente, on teste, mais on se laisse pas imposer les solutions d’ailleurs. La gestion populaire remet forcément en cause les paradigmes de la croissance et de la représentation obligée servis à longueur d’antenne par un questionnement permanent : est-il normal que l’eau de la piscine soit au même prix que celle de la cuisine ? Entre la gratuité des parkings ou celle de la cantine, que choisir ? Les structures de démocratie directe, par le fait même qu’elles prennent du temps, aident à construire une société différente où la décision n’est pas subie mais construite, en même temps qu’elles instaurent entre les participants l’attention, le respect, le dépassement du conflit. La Loi n’est-elle pas l’expression de la volonté générale, comme le stipule la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (art VI), et ceux-ci n’ont-ils pas le droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation ?

PERSPECTIVE JOYEUSE : vers une économie et une finance alternatives ?

Il existe en France plusieurs collectivités qui ont mis la démocratie directe à leur programme (Eourres (05), Grigny (69)…). De par le monde, on connait depuis longtemps aussi le budget participatif de Porto Alègre au Brésil. La commune de Marinaleda, en Espagne, est allée plus loin encore, en intervenant directement dans l’économie, installant une conserverie de légumes après avoir redistribué les 1 200 hectares d’un grand propriétaire terrien.

Alors, posons les vraies questions :

  • La démocratie communale, qui permet réellement aux citoyens d’exercer leur pouvoir, n’est-elle pas le meilleur moyen de dépasser l’impuissance caractérisée de nos sociétés ?
  • Ne pourrions nous imaginer, en France, 15 000 communes de 4 000 habitants, taille qui permet des assemblées générales (soit environ mille personnes, de quoi remplir un cinéma) de toute une population ?
  • Ne pourrions nous imaginer la fin des régions, communautés, départements, et un unique échelon territorial, la commune, disposant de tous les pouvoirs et financements (éducation, formation, routes, etc.) des divers échelons actuels ?
  • Ne pourrions nous imaginer la possibilité d’intervention des dites communes dans l’économie, dans la satisfaction des besoins exprimés par la population dans des assemblées générales régulières ?
  • Ne pourrions nous imaginer des banques municipales, où les habitants d’une même commune mettrait leur argent, qui pourrait servir directement sur le territoire de la commune, dotées ou pas de monnaies nouvelles et permettant une relocalisation de la production ?
  • Ne pourrions nous imaginer des coopératives communales pour sortir de la concurrence débile et mortifère ?

Utopisons plus loin encore : et si, pour les prochaines élections municipales, nous décidions, dans un premier temps, de créer 1 000 Vandoncourt, c’est à dire 1 000 communes autonomes fonctionnant en démocratie directe? Que chacun, ici et maintenant, chez lui, se dise :

  • oui, c’est possible,
  • oui, nous n’allons pas nous laisser imposer un enième supermarché,
  • oui, nous devons protéger nos terres agricoles,
  • oui nous devons lutter à notre niveau contre l’uniformatisation du monde,
  • oui nous devons régénérer la démocratie,
  • oui nous devons, nous pouvons reprendre le pouvoir, notre pouvoir, pas dans les stériles agitations médiatiques et politiques des partis, mais dans de vrais débats au sein de vraies assemblées, contradictoires, conflictuelles, mais qui toutes auraient comme fin l’amélioration immédiate du quotidien, le pouvoir de le faire, et l’anticipation de l’avenir.

Un tel saut démocratique ne porte t-il pas en germe, appliqué de partout, la véritable solution aux problèmes majeurs de notre temps, puisque, par définition, le peuple ne peut agir contre lui même ?  Car Vandoncourt nous oblige à nous poser cette autre question : pourquoi donner son pouvoir à des partis par essence ultra-minoritaires, plutôt que de s’en servir soi-même ? Alors, chiche, on renverse la vapeur ?

Joël Feydel

Un village sans maire – Retour au bons vieux temps – Une tribu à la Française ?

La démocratie participative est une forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique. On parle également de « démocratie délibérative » pour mettre l’accent sur les différents processus permettant la participation du public à l’élaboration des décisions, pendant la phase de délibération.

Vandoncourt est une commune française située dans le département du Doubs et la région Franche-Comté. Ses habitants sont appelés les Damas. En 1971 le village est passé en démocratie participative. Le fonctionnement est de type autogestion.

La vie démocratique s’organise grâce à :

  • Un conseil de treize membres élus ;
  • Un conseil des jeunes ;
  • Un conseil des anciens ;
  • Un conseil des associations.

Les conseils se réunissent, au moins chaque mois, ce sont là soixante citoyens rassemblés.

Sept commissions sont mises en place (scolaire, budget, technique, développement économique, sociale, fêtes et cérémonies, environnement). Ce sont elles qui s’informent des besoins, qui élaborent les solutions pratiques et qui contrôlent les réalisations. Elles sont sous le contrôle des conseils. Ainsi la commission des finances est composée d’élus et de non-élus.

La révolution au village ou la démocratie participative au quotidien

Il était une fois un petit village bâti sur le flanc de la montagne jurassienne, entre quatre cents et six cents mètres d’altitude, à douze kilomètres seulement de Sochaux. Un vieux village de quelques six cents âmes, d’où les hommes partent pour travailler. D’où les hommes partent ailleurs… définitivement. Avec de moins en moins de jeunes. Ils quittent le village-dortoir, mais aussi le village-maison de retraite.

Le maire gérait en père de famille et tranche en autocrate

Comme des milliers d’autres villages de France, Vandoncourt somnole. L’imagination, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas au pouvoir à Vandoncourt. Il y a un Conseil Municipal à Vandoncourt, comme dans toutes les communes de France. Les électeurs en entendent parler régulièrement, tous les six ans. Ils l’élisent même. Il défend, paraît-il, les intérêts communaux. C’est ce que les candidats proclament, dans leur profession de foi, la seule information qu’ils adressent à leur concitoyens… Tous les six ans. Le maire gère en père de famille et tranche en autocrate. Si conflit il y a, c’est lui qui décide ; le Conseil entérines tous les trimestres. Il sait déterminer seul, ou presque, ce qui est bon pour la population… et c’est qui ne l’est pas.

Un village au bord de l’extinction

A Vandoncourt, y a plus de dimanche, y a plus de bon pain, y a plus de village. Les villages de villageois, l’exode rural les a presque tous tués. L’école aussi se meurt. Les instituteurs ne veulent pas rester.

Créer une association pour ressusciter le village

C’est de là que part la révolte, en 1969. In extremis, les parents créent une association, veulent faire participer les élus à la rénovation du village. En commençant par l’école, que l’on voudrait sans mur, sans piège. Une vraie école du peuple. Une équipe d’animation apparaît, sous l’impulsion de quelques uns, de retour au pays, après des années passées en Afrique. Aide aux Tiers-Monde, Noël des enfants déshérités, soirées dédiées aux anciens, soirées des nations où les étrangers du village, Suisses, Arabes, Italiens et Espagnols présentent des danses et des histoires du pays. Des fêtes à la fois folkloriques, gastronomiques et antiracistes. Le village grouille tout à coup de vie, d’activité.

Et la municipalité, elle continuait à gérer, comme si rien ne se passait ? Qui plus est, cette renaissance irrite.

Puisqu’il en est ainsi, l’équipe d’animation décide de se présenter aux élections municipales de 1971. Un questionnaire est lancé. Destiné à une centaine de personnes choisies dans le village en fonction de leur appartenance à différentes communautés (hommes, femmes, jeunes, vieux, professions libérales, ouvriers, paysans…), il porte sur la vie du village, l’animation culturelle, la participation de la jeunesse à la prise de responsabilité, les liens des associations entre elles, l’administration du village et « notre avis sur l’avenir du village ». Sur Cent questionnaires distribués, il y a soixante-douze réponses. Celles-ci sont anonymes et la synthèse réalisée constitue un programme cohérent qui reste encore aujourd’hui la base de l’action municipale à Vandoncourt. Avec un nouveau slogan pour la campagne électorale: « Voter pour nos candidats, c’est voter pour vous ».

C’est ainsi qu’une équipe toute neuve entre à la Mairie, rapidement renforcée par les jeunes et par ceux qui animent les associations.

Un village sans maire

Démocratie, contrôle populaire, autogestion c’est désormais de cela qu’il s’agit à Vandoncourt. Pour l’équipe de départ, de vingt ans en moyenne plus jeune que la précédente, il s’agit bien de donner à la démocratie toute sa dimension. En associant les forces vives à la gestion. En développant la démocratie au quotidien. En multipliant les structures de concertation. En informant complètement et régulièrement. En limitant la délégation de pouvoir par une pratique permanente de la démocratie directe.

Pour retrouver l’identité d’une commune vivante et décentraliser les initiatives

Treize élus pour administrer, où plutôt pour animer la commune, c’est trop peu ! C’est même dérisoire, injuste et scandaleux. Le village a besoin de tous pour se régénérer, pour retenir et accueillir. Tous ? Impossible sans doute. Mais le plus grand nombre :

  • Pour donner au village sa propre vie.
  • Pour faire émerger les besoins.
  • Pour retrouver l’identité d’une commune vivante.
  • Pour décentraliser les initiatives.
  • Pour créer des canaux qui permettent à chacun de s’exprimer.
  • Pour informer. Pour imaginer…

Le conseil des conseils, sans vote, ni contrainte

Imaginer, imaginer. Les projets ne manquent pas à Vandoncourt. On ne parle plus de réunion du conseil municipal, mais de réunion des conseils. Un conseil de treize membres, bien sûr. Comme dans toute commune de cette taille. Mais il ne se réunit pas sans les trois autres conseils : Celui des jeunes, celui des anciens, celui des associations, un véritable petit parlement où sont représentés tous les groupes et clubs. Les conseils se réunissent, au moins chaque mois, ce sont là soixante citoyens rassemblés. Parfois, il se transforme en réunion publique, la mairie en forum. Sans vote, ni contrainte. Il s’agit de libérer au maximum l’expression. Pas de maire, pas de chef à Vandoncourt.

La transparence, pour éviter les luttes de pouvoir

Enfin, pour se préserver des luttes de pouvoir et autres magouilles « tue démocratie », ils ont inventé des garde-fous :

  • Plusieurs personnes détiennent et transmettent l’information,
  • toutes les critiques sont publiées,
  • les courriers reçus par le Maires ont accessibles à l’équipe municipale.

Résultat, la dynamique ne s’est pas arrêtée avec son initiateur : 40 ans et 2 maires plus tard, elle est toujours en vigueur : ça fait envie !

La commission des finances, pour des comptes transparents

Sept commissions sont mises en place (scolaire, budget, technique, développement économique, sociale, fêtes et cérémonies, environnement). Ce sont elles qui s’informent des besoins, qui élaborent les solutions pratiques, qui contrôlent les réalisations. Elles sont sous le contrôle des conseils. Ainsi la commission des finances, elle est composée d’élus et de non-élus. Elle publie dans le bulletin du village le budget et le compte administratif en expliquant et en commentant les chiffres. Au mois de novembre, la mairie organise des journées de discussion sur le budget. Tous les postes sont retranscrits sur des grandes feuilles accrochées au mur, dans différents points du village et dans le préau de l’école. On peut ainsi voir l’évolution des dépenses et des recettes, année par année. Les conseils, la commission des finances et la population peuvent ainsi confronter leurs idées.

Votes des mineurs et des étrangers, référendum et propositions de projets

Les électeurs, français et étrangers (que la loi française exclut de tout scrutin), peuvent voter dès l’âge de 15 ans pour élire les membres des conseils, pour s’exprimer sur telle affaire importante. Vandoncourt à ses référendums pour briser le cercle toujours trop étroit de la participation populaire. N’importe quel groupe, individu, association (il y en a une vingtaine) peut proposer un projet. Les conseils en apprécient l’urgence, les commissions – ouvertes – en étudient la mise en pratique. Pour définir ce fonctionnement local, aux antipodes des règlements préfectoraux et des structures légales, « un règlement intérieur » a été mis aux points les premiers temps, puis modifié à plusieurs reprises.

Toutes les sources documentaires sont libres d’accès, sauf cas sociaux et judiciaires

La démocratie directe s’est rapidement mise en place dans les structures. On délivre encore des fiches d’état-civil, on y reçoit toujours des demandes de renseignement, mais la marie est avant tout le centre de l’effervescence démocratique, le laboratoire des propositions et des analyses populaires. Un « café du commerce » parfois.

On entre dans la mairie, on accède librement à toutes les sources documentaires, on se sert comme chez soi. Sauf cas social ou judiciaire, le courrier est à la disposition de tous. Le matériel municipal n’a d’autre vocation que de servir la vie locale. Pas besoin de quérir une autorisation pour utiliser photocopieuse, téléphone locaux, panneaux municipaux. Il y a parfois encombrement, pléthore d’informations, télescopage de convocations. C’est la rançon d’un système qui pousse très loin la liberté d’expression. A Vandoncourt au moins, le vocable de maison commune n’est pas usurpé.

Tu as envie, tu veux… fais-le ! Le village t’aideras!

Ainsi naissent et se développent de multiples activités au village. A défaut de moyens financiers -le village n’est pas riche -On ne manque pas de compétences locales qui puissent répondre aux besoins. Encouragement à l’initiative, utilisation des compétences, bénévolat: C’est sur ce triptyque que s’appuie l’animation permanente du village. « L’animation c’est la politique! ». La politique ce n’est pas ce passage successif sur les tréteaux ou les écrans d’un certain nombre de professionnels patentés et homologués -par qui ? -mais la prise en charge de la vie quotidienne du plus grand nombre; vingt- cinq siècle après une définition de Périclès: la politique, gestion de la cité. Par tous, c’est à dire à l’inverse de ceux qui détiennent habituellement le monopole du gouvernement et de l’information, dévoyant ainsi la démocratie politique. « Gouverner, c’est faire croire », disait Machiavel. Mais au contraire, ANIMER c’est rendre, c’est redonner, c’est permettre, c’est critiquer, c’est devenir libre.

Un village pionnier des grandes luttes nationales

La majorité de la population de Vandoncourt pratique l’autogestion – ou plutôt un contrôle populaire sur la vie quotidienne – sans le savoir. Peut-être certains préféreraient-ils parler de démocratie, de fraternité, d’honnêteté ou de participation. Ou encore de liberté !

  • C’est à Vandoncourt que fut créé le premier tri sélectif des déchets. Il y a 30 ans !
  • C’est à Vandoncourt que l’on s’opposa à l’enrésinement. La population empêcha l’office national des forêts de planter dix hectares d’épicéas qui auraient détruit une partie de la flore.
  • C’est à Vandoncourt que l’on pris très tôt position dans les grandes luttes nationales (Larzac, canal Rhin-Rhône, fusées Pluton, nucléaire civil et militaire,…).

Réussite économique, écologique et sociale

Tout cela a permis de réaliser une émancipation économique du village dans le respect de l’environnement et du tissus social. Au fil du temps, l’intelligence collective a mis en place des infrastructures comme le chauffage bois collectif des bâtiments municipaux pour rationaliser les ressources de leur forêt. Cette année, ils ont inauguré le premier bâtiment municipal de France à ossature bois et remplissage paille capable d’héberger des ateliers municipaux de transformation, un pressoir et un musée. Un autre signe fort : l’exode des jeunes n’existe pas à Vandoncourt et les personnes en difficulté sont très rares parce que soutenues naturellement par la vie associative avant que les problèmes insolubles n’émergent.

La fin est contenue dans les moyens, comme l’arbre dans la semence

Contre le pouvoir centralisateur, paperassier, contrôleur de toutes les initiatives, gérant de la bonne norme contre toutes les déviances, la population de Vandoncourt répond à la manière de Gandhi: « La fin est contenue dans les moyens, comme l’arbre dans la semence » . On y souligne volontiers la nécessaire concordance entre les exigences de demain et le comportement d’aujourd’hui.

Ne rien changer : La position confortable des élus

Ailleurs, les élus dénoncent vaillamment un pouvoir qui les empêche de réaliser cette démocratie locale, cet apprentissage de l’autogestion qu’ils réclament dans les motions, les conseils, assemblées, assises, séminaires, forums, carrefours, meetings… Mais le pouvoir et la loi deviennent vite pour eux l’alibi qui autorise à ne rien changer, la diversion qui permet d’interdire aux groupes concernés de réfléchir collectivement à leur devenir.

Autonomie individuelle et collective pour reconstruire

A Vandoncourt, rarement la démocratie directe a été porté aussi loin. Mais à la différence de l’autre démocratie – formelle et déléguée -celle-ci est une lutte permanente contre l’autorité ; et plus encore contre le conditionnement de l’individu.

Des années après, beaucoup sont encore surpris du chemin parcouru, surpris de l’autonomie individuelle ou collective acquise, surpris de cette capacité à reconstruire parfois le quotidien.

Vandoncourt cherche, se cherche, existe… Avec la volonté de créer un devenir qui ne soit pas un simple prolongement ou une vague adaptation du présent, mais une rupture, un dépassement.

Gestion populaire et identité communautaire

Les prémices apparaissent d’une information, d’une gestion populaire, d’une identité et d’une communauté retrouvée, qui remettent en cause le modèle de croissance dominant, qui contestent, par le bas, les mécanismes de pouvoir et d’aliénation.

Les structures de démocratie directe, participative ne sont pas seulement le remède aux maladies de carences, aux esclavages nouveaux engendrés par notre société, mais l’un des moyens pour un autre type de société.

La réalisation concrète de nouvelles formes d’existence

En France, les structures de démocratie participative ont encore du mal, ne serait-ce que parce qu’elles progressent dans un environnement hostile (état centralisateur, notables, presse locale, mentalités d’assistés). La population de Vandoncourt essaient de conjuguer ce que notre société libérale ignore si profondément : La réalisation concrète de nouvelles formes d’existence avec ce que cela suppose de fureur de vivre, d’aptitude à un bien être qui ne soit pas seulement matériel et, par ailleurs, la possibilité de se réunir pour forger des outils, la capacité de prendre en charge son propre développement, de maîtriser sa propre évolution.

Lorsqu’on cherche les moyens d’un développement, on oublie trop souvent, même quand on affirme le contraire, que les masses populaires sont le seul moyen vraisemblable d’une évolution. Mais il faut alors admettre qu’elles doivent aussi être les seules bénéficiaires. Comment pourrait-on les mobiliser en vue de « leur » développement, si on hésite à leur donner des pouvoirs à la mesure de leurs responsabilités ?

La démocratie déléguée : l’état sans contrôle populaire

A la « démocratie déléguée », qui ôte toute initiative au peuple et n’assure en aucune façon un contrôle de celui-ci sur l’état, succéderait une démocratie directe, les populations exerçant eux-mêmes tous les pouvoirs qui le sont aujourd’hui – au demeurant fort mal – par un certain nombre d’institutions et de ministères.

Le départ d’une nouvelle civilisation

Le socialisme pourrait dès lors cesser d’être un but à atteindre dans un cadre plus ou moins socialisé, c’est à dire un idéal indéfiniment repoussé, un vœu pieux. Il pourrait être ce qu’il doit être : une méthode de gouvernement. C’est à cette condition qu’il permettrait la mise en forme d’un nouveau modèle de développement, le départ d’une nouvelle civilisation.

Un modèle exemplaire, un pilier de l’économie distributive

A son échelle, Vandoncourt et ses pareils, dans des villes et villages du Brésil, de l’Inde, d’Espagne et d’ailleurs, sont de petits laboratoires. Ils sont un espoir pour des lendemains qui chanteraient. Cette forme de gouvernance à déjà essaimé dans d’autres structures comme les Scop, certains CLD Comités Locaux de Développement de Pays, les « camps climat » et quelques autres rassemblements alternatifs de par le monde. Et chaque fois, des personnes venues de tous horizons réussissent l’impossible : décider, organiser et bâtir ensemble une nouvelle société plus juste. La démocratie participative directe étant à la fois un des principaux piliers de l’économie distributive, mais aussi le pilier le plus complexe à mettre en place, nous avons là plusieurs exemples réussis pouvant inspirer un modèle de transition vers une société distributive.

Jean Louis BATO.

Sources: – « A Vandoncourt, c’est tous les jours dimanche » de Christophe Wargny (1980) – Enquêtes à Vandoncourt ( 1979)

– L’Echo de notre village (association pour l’information des habitants de Vandoncourt)

 Dossier sur Vandoncourt de Cathy Firmin (pdf de 15 pages)

Critiques du système Vandoncourt

Le maire garde tout de même le pouvoir exécutif

Vandoncourt semble être l’exemple de gouvernance participative la plus élevée et, depuis 40 ans, ses 820 habitants continuent l’expérience avec succès. Ainsi, les citoyens sous la bienveillance de leurs Maires et Conseillers municipaux, décident et gèrent leur commune dans le respect de la Constitution française. Les compétences de la Mairie sont réparties en 8 commissions extra municipales comptant chacune une douzaine d’inscrits.

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Source Matricien.org

 

Volti

12 Commentaires

  1. “Le maire garde tout de même le pouvoir exécutif”.
    Obligé car il faut respecter les termes de la loi tant que la constitution ne sera pas ré écrite par les citoyens.

    • PS: On arrête de le mettre en avant mais les moutons sont pasteurisés.

    • pour être à la fois différent et toléré, il faut faire des concessions avec le système en place… toutefois, une démocratie participative a l’échelle locale est beaucoup plus intéressante et beaucoup plus réaliste pour les citoyens!

  2. En 1307 Philippe le Bel après avoir accusé l’ordre du Temple, commence une éradication de cet Ordre.
    Après avoir reçu l’ argent des Templiers pour payer ses dettes et guerres, il les les massacres.
    710 plus tard? Philippe ED “dit discount” écrasera t’il les Illuminati?https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_cry.gifhttps://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_mail.gif

  3. La structure hiérarchique pyramidale semblerait toujours présente dans cette démocratie de Vandoncourt: un conseil des treize qui chapeaute sept commissions, et chacune de ces parties fonctionne au consensus si j’ ai bien compris ; mais comment s’ effectue le choix des représentants de ce conseil et de ces commissions ? Sont-ils élus, cooptés ou autrement ?

    Le consensus n’ est pas un outil démocratique viable car, à terme, il s’ organise en une structure hiérarchique pyramidale qui n’ ose pas dire son nom ; les nouveaux venus, qui constatent ou devinent cette structure du commandement bâtie à la force de l’ usage et des amitiés, n’ osent pas la remettre en question, par respect d’ un existant qui semblerait moralement acceptable, ou plus difficilement par l’ expérience de la remise en cause, en partie ou en globalité, de cette hiérarchie imposée par le fameux “consensus”. La démocratie directe devrait être “câblée” et non pas suggérée.

    D’ autre part les technologies très répandues de réseaux démocratiques, comme Framavox (reposant sur le logiciel libre Loomio), Retroshare ou un simple site communal qui serait équipé d’ un forum démocratique, avec l’ implémentation du vote “dynamique”, permettent justement de faire participer TOUT LE MONDE et TOUT LE TEMPS dans le juste cadre d’ une démocratie DIRECTE. Car là est la gageure: construire les outils qui rendent possible au quotidien cette “gestion de la cité” étymologiquement directe (dêmos: peuple et kratos: pouvoir).

    La majorité d’ un vote populaire ne peut pas être égale à 50% des voix (plus un), dans le cas contraire ça se fige en status quo (50%-50%), mais elle devrait être plutôt égale à l’ autorité minimale de 67%, comme deux personnes qui sur trois sont d’ un même avis. Lorsque ce pourcentage n’ est pas atteint cela voudrait dire qu’ il faut rediscuter le projet afin de lui trouver une formule démocratique.

    Le vote “dynamique” est un vote non jetable parce qu’ il est toujours vivant: je vote quand je veux et je change d’ avis comme je veux ; contrairement au vote qui ne sert qu’ une seule fois et qui nécessite de refaire un référendum pour exprimer un autre choix. La pensée humaine est changeante par expérience, le vote doit l’ être aussi: pour, contre et abstention (“nul” serait sans objet en informatique).

    L’ union du vote “dynamique” , d’ une majorité “autoritaire” et du status quo, fixeront les limites haute et basse (hystérésis) de ce nouveau vote démocratique (ou “autorité dynamique”), par exemples:

    – à partir de 67% de votes “pour” la proposition serait validée ;
    – entre 67% et 50% cette proposition resterait toujours en usage ;
    – en dessous de 50% cette mesure cesserait de faire autorité.

    Comprenons que c’ est moins à l’ individu démocratique de s’ adapter aux contraintes matérielles, qu’ aux matières scientifiques et techniques de s’ adapter à lui afin de lui permettre d’ élargir son champ du pouvoir. Voilà pourquoi les réseaux informatiques décentralisés devraient être choisis, puisqu’ ils répondent désormais à cette volonté largement populaire, en plus d’ en assurer une solide protection.

    La vie en communauté placée sous la formule de la démocratie directe ne concernerait, comme allant de soi, que ses citoyens volontaires. Elle devrait cohabiter avec les autres régimes démocratiques (en bonne intelligence évidemment), afin de respecter notre libre arbitre.

    Framavox:
    https://framavox.org/marketing
    Retroshare:
    http://www.numerama.com/magazine/21980-retroshare-un-logiciel-de-p2p-prive-securise-et-decentralise.html

  4. Un article long mais vivant, très intéressant. Il ne semble pas qu’il y ait beaucoup de participants, en fait. Mais au moins, ceux qui ne disent rien ne peuvent que se le reprocher.
    J’aimerais bien tenter une telle participation.
    Bravo à eux, et qu’ils fassent bien des émules. C’est une voie à suivre…

  5. J’ avoue que ça me démange pas mal aussi de tenter une démocratie directe dans mon bourg de plus de 2600 électeurs (patience et longueur de temps). Les expérimentations localisées ici et là permettront de viabiliser les différentes formules et pourront servir de modèles pour les autres démocraties directes. La résistance localisée à l’ oligarchie destructrice, qui pousserait ses victimes dans les bras de la démocratie directe, serait politiquement douce et socialement bénéfique. L’ espérance vivra.

  6. vraiment très très intéressant!!! à mettre sous le coude et a promouvoir avant les prochaine municipales!!

  7. Oui, très bien !

    J’ai cherché un lieu, un peu prêt similaire, il y a quelques temps, mais je n’ai pas donné suite, parce qu’il fallait que je largue tout rapidement, pour pouvoir être accepté par le groupe, et que j’ai trouvé fort sympathique entre autres, mais c’était une des conditions et la seule qui posait problème, que je ne conteste pas, c’est ainsi ! ce qui ne veut pas dire, que j’ai abandonné cette idée.

    Sur le site il y avait un hameau à vendre, il y a quelques mois, qu’en est-il aujourd’hui de ce lieu ?

  8. Tout ce qui peut être décidé et entrepris à l’échelon le plus bas doit l’être. Lorsque ce n’est plus possible (routes,gros travaux , défense …) on ne peut faire autrement que de déléguer à un niveau supérieur. Une démocratie locale ne peut être viable que dans un cadre décisionnaire plus large en mesure d’assurer les tâches qui ne sont pas à sa portée. C’est ce que l’on appelle le principe de subsidiarité.

    • Avant le principe de subsidiarité beaucoup de choses peuvent être traitées directement, la répartition du budget, les choix des priorités municipales , le pru, … Même si ceci est négligé, la commune après la famille est le deuxième niveau du politique, et nous devrions, en tant que citoyen, nous le réaproprier. Dans ma petite commune de l’aude, où je viens d’arriver depuis six mois, je tenterais bien l’aventure si quelques citoyens étaient partant.

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