Soumis à l’austérité budgétaire et au management néolibéral, l’hôpital est au bord du burn-out…

Voilà où nous en sommes avec des hôpitaux, gérés par des comptables comme des entreprises, sans considération pour le personnel et les patients. Il faut faire des économies et tant pis pour le reste. C’est beau le libéralisme. Chapeau au personnel soignant qui continue sa mission, le signal d’alarme est tiré, ce sont les malades qui paieront le prix, des erreurs possibles sous cette pression. On a de l’argent pour les guerres mais pas pour nos hôpitaux ?

20 000 postes ont été supprimés dans les hôpitaux français en quinze ans. Sur le terrain, le travail s’intensifie, les soignants ne cessent de courir après des objectifs intenables, et finissent souvent par s’effondrer. Ils ont l’impression de négliger les patients, et perdent le sens de leur travail. Ils craignent de commettre des erreurs et tirent la sonnette d’alarme : la qualité des soins diminue dangereusement et la mortalité des patients s’accroît. Mais cette sévère cure d’austérité devrait se poursuivre : le dernier plan de financement des hôpitaux présenté par l’actuel gouvernement promet 20 000 suppressions supplémentaires. L’avenir de l’hôpital se jouera aussi lors de ces élections présidentielles.

6h50 du matin dans un hôpital en Bretagne. Anne, aide soignante en gériatrie, commence sa journée. C’est le moment des transmissions : l’équipe de nuit informe celle du matin de l’état des quarante patients du service. « On fait ça au pas de course, explique Anne. En un quart d’heure-vingt minutes maximum. Sinon, on prend du retard pour tout le reste. Quand il n’y a pas d’absente, nous ne sommes que sept. » Toilettes, distribution des petits-déjeuners, aide au repas, ménage, vaisselle, changements de lits… les aide-soignantes se hâtent à longueur de journées, interrompant souvent ce qu’elles sont en train de faire pour répondre aux appels des patients, dont beaucoup sont en situation de grande dépendance. « On court tout le temps, poursuit Julie, infirmière en chirurgie dans un centre hospitalier universitaire (CHU). Hier, je suis arrivée à 13h50, je suis repartie à 22h. Je n’ai pas eu le temps de faire pipi, ni de manger. »

Intensification incessante du travail

Selon nombre de soignants, ce travail à flux tendu dure depuis une quinzaine d’années, suite au passage aux 35 heures, mais sans les embauches correspondantes, et suite à l’instauration de la tarification à l’activité, plus couramment appelée « T2A ». « Chaque établissement est désormais financé en fonction de sa production d’actes de soins et de sa rentabilité, détaille la CGT. Il faut produire un nombre d’actes de soins suffisant, et diminuer les coûts. Donc faire plus avec moins. » [1] « Le personnel, c’est 72% de la masse budgétaire. C’est la première variable d’ajustement », précise Thierry Amouroux, secrétaire général du syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). « Les politiques ne peuvent pas annoncer la fermeture d’un hôpital, ajoute Hélène Derrien, présidente de la coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité. Ils risquent de se retrouver avec des milliers de personnes dans la rue. Donc, ils font ça petit à petit. Ils ferment des lits par ci, des services par là. À la fin, le résultat est catastrophique. Le nombre de maternités a été divisé par trois ces quinze dernières années, et 20 000 postes ont été supprimés. »

« Tout cela se fait dans un contexte global de dénigrement des dépenses publiques, éclaire Philippe Batifoulier, professeur d’économie à l’université Paris 13 et membre du collectif des économistes atterrés. Les soignants ont très fortement ressenti les effets de l’austérité à partir des années 2000 mais tout cela a été doucement mis en place à partir du début des années 1980. » Avant la T2A, le « budget global » avait déjà imposé aux hôpitaux une enveloppe budgétaire fixée à l’avance. « L’idée de la T2A, c’est de “normer” les coûts et de standardiser les soins. On déclare par exemple qu’une toilette dure sept minutes, en ignorant le malade et la réalité. » Il est en effet impossible de faire une toilette en sept minutes. Anne, aide-soignante, aurait besoin de trois quarts d’heure avec les anciens dont elle a la charge pour faire son travail correctement, en prenant soin de ne pas les brusquer, et en prenant le temps de les écouter. « La T2A a fait entrer le capitalisme à l’hôpital, poursuit Philippe Batifoulier. On valorise les actes techniques et on supprime le reste. Tout ce qui est inestimable économiquement n’a plus de valeur. » [2] [3]

« C’est impossible de faire ce qu’on nous demande »

Pour tracer les actes, tout a été informatisé. Plutôt contents de voir arriver un outil qui devait leur permettre de gagner du temps, les soignants se désolent aujourd’hui de la bureaucratisation grandissante de leurs activités. « Chez nous, le logiciel est vraiment très mal fait, rapporte une infirmière de CHU. Il faut cliquer quinze fois pour avoir une vue d’ensemble du dossier des malades. On perd des infos. Et quand arrive 20 heures, ça rame. C’est une horreur. Certains médecins ne le maîtrisent pas du tout, ils font des erreurs de prescriptions que nous sommes obligées de rattraper derrière. Et ne parlons pas des intérimaires qui sont là pour une journée et qui ne comprennent évidemment rien du tout. » Ce temps administratif rogne encore un peu plus sur celui passé auprès des patients. « “Tu es toujours sur ta télé”, me disent les anciens dont je m’occupe, rapporte Anne. Et c’est vrai, on y passe un temps fou. » « Les soignants passent plus de temps à prouver ce qu’ils font qu’à faire ce qu’ils ont à faire », résume Olivier Mans, de la fédération nationale Sud santé sociaux.

Face à ces nouvelles injonctions, chacun essaie de s’organiser comme il peut, et tout le monde – ou presque – navigue à vue. « Ils nous disent sans cesse qu’il faut mieux nous organiser, pour pouvoir remplir nos objectifs. Mais personne ne nous dit comment, proteste un infirmier. Et pour cause : en réalité, c’est impossible de faire ce qu’on nous demande. » « Les directions parient sur la pression des objectifs et sur la conscience professionnelle des agents, très élevée dans le domaine du soin, notamment parmi les infirmières », rapporte un expert en santé au travail. « Le problème, c’est qu’avec le durcissement des conditions de travail et l’épuisement chronique des équipes, l’absentéisme augmente, reprend Jean Vignes, secrétaire général de la fédération Sud santé sociaux. Le recours à l’auto-remplacement est très élevé. »

Des millions d’heures travaillées gratuitement

C’est ainsi que des agents travaillant de 6h45 à 14h00 peuvent finalement rester jusqu’à 19h00, et revenir le lendemain à 6h45 ! D’autres sont rappelés pendant leurs jours de repos et pendant leurs vacances. « C’est compliqué de dire non. On sait bien que les collègues vont galérer si on n’est pas là », soupire Anne, aide-soignante. « C’est infernal pour la vie privée et pour la vie de famille », avertit Olivier Mans. « Les agents accumulent les jours de récup’, sans jamais pouvoir les prendre !, complète Yves Morice, représentant Sud santé sociaux au CHU de Rennes. On a ainsi une masse de jours qui se reportent d’une année à l’autre, et qui ne cesse de grossir. C’est une vraie bombe à retardement. »

Fin 2012, les 40 hôpitaux de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) et 240 établissements de Province cumulaient trois millions de jours à récupérer pour leurs agents [4]. « Si l’AP-HP payait tout ce qu’elle doit aux infirmières, elle devrait débourser 75 millions d’euros, compte Olivier Mans. Il faudrait qu’elle ferme l’hôpital de la Salpêtrière pendant un an. Nous estimons par ailleurs qu’à partir du moment où tout le monde peut être rappelé à n’importe quel moment, c’est une astreinte permanente non reconnue. En cinq ans, cela fait une dette cumulée de 7 milliards d’euros ! »

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Auteur Nolwenn Weiler pour BastaMag

Volti

4 Commentaires

  1. L’Hôpital public est menacé depuis l’AGCS, ne l’oublions pas ! Tous ces capitalistes de M….. qui ont que faire de la vie des citoyens et citoyennes dès lors qu’ils peuvent se faire de l’argent à tous les niveaux sont les prédateurs de notre société.
    La marchandisation de la santé est grave de conséquences, plus de 40 % des français et des françaises ne se font plus soigner comme il se doit, les médecins généralistes envoient les patients (pour la plupart) vers des services privés (laboratoires, radiologie etc) dont les prix font que la sécurité sociale ne prends pas tout en charge…

    Dans certains hôpitaux les personnels mettent fin à leurs jours, c’est du jamais vu ! Le syndrome d’épuisement professionnel est de plus en plus en augmentation dans les personnels hospitaliers, le pire c’est que la médecine du travail est privatisée, les hôpitaux n’ont plus de médecin du travail hospitalier, et les visites sont de plus en plus espacées d’où un contrôle très relatif de la santé des soignants, un comble !!!
    L’hôpital va imploser, les agents en colèreseront de plus en plus dans la rue, et là le gouvernement h’hésite pas à employer la force pour pression, de nombreux manifestants (non violents en plus) ont été gravement blessés !!!
    En mars il y a eue une manifestation nationale à Paris, là il fallait voir le nombre impressionnant de force de l’ordre, un quadrillage digne du gouvernement chilien aux pires heures…(j’y était et les photos prisent parlent d’elle même)…
    Il y en a assez de toutes ces orientations politiques qui de droite comme de gauche vont toutes dans le même sens !

    Il y en a assez de tous ces profiteurs qui nous pourrissent la vie, en cherchant à déstabilisent notre système social.

    Dernièrement une infirmière s’est suicidée sur son lieu de travail, elle ne supportait plus les pressions dont elle était la victime !

    http://autonomes.blogspot.fr/2017/03/suicide-de-lune-des-notres-infirmiere.html

    Il y en a assez de ce management de M….. dans les services visant à favoriser la flexibilité, à optimiser le travail avec encore et encore moins d’effectifs, il y en a assez d’épuiser les personnels jusqu’à ce que mort s’en suive dans certains cas !!!

    Nous ne pourrons pas continuer dans ce bordel inqualifiable qui est institué pour casser l’hôpital public et faire entrer par la force des choses le privé qui a déjà commencé à s’installer insidieusement, comme les parkings devenus payants et gérés bien évidemment par des sociétés privées (Vinci Park etc), comme les entreprises de nettoyage remplaçant les agents hospitaliers petit à petit (et dont les personnels sont très mal payés…)…
    http://michelbillout.fr/activite-des-senateurs/dans-le-departement/Parking-payant-privatisation-de
    http://autonomes.blogspot.fr/2015/12/stationnement-payant-lhopital-de-marne.html
    Mais il y a pire, ce sont des services comme la radiothérapie qui est récupérée par des cliniques privées, des services de chirurgie etc etc
    Il y a aussi des opérations immobilières qui se font jour pour le plus grand profit de promoteurs, car en regroupant les hôpitaux en GHT, en fusionnant certains hôpitaux ils cassent encore un peu plus les petits hôpitaux de proximité, dont les services sont déplacés… le patrimoine hospitalier (souvent des bâtiments qui ont une histoire) est vendu, les citoyens et citoyens sont spoliés par tout un système crapuleux…
    Voilà, où nous en sommes et c’est pas très beau. Alors à l’heure où nous pourrions changer de politique dans quelque jours… aurons-nous l’espoir d’un changement d’orientation en ce qui concerne les hôpitaux publics menacés de plus en plus ?
    La question est posée.

    • ROY je confirme t’es propos , car cela fait environ 28 ans que nous Allons de d’hôpitaux en hôpitaux en France , Depuis nous constatons une avancée majeure du privée dans les hôpitaux publique , en 2010 c’est déclencher une amorce du privée (la restauration )et (service de lingerie) depuis c’est aux triple-galop que le changement est vraiment perceptible ,les locaux ressemblent à deux gouttes d’eau aux cliniques , L’Orientation est claire nous allons vers des hôpitaux à l’américaine tu as de l’argent ont vous soignes + LOCATION de la chambre + repas + frais de séjour + TV + Téléphone + ou chambre seul (1 mois = 1000 euros )+ transport ambulance privé + maintien à domicile etc et si vous ne pouvez pas c’est bonne chance = croix rouge ou Marabout .
      la prise en charge de 70% pour l’état soit sécu et de 30% pour la mutuelle suivant votre souscription de prise en charge là aussi cela va changer c’est une inversion totale qui va etre faite soit 30% pour l’état soit la sécu et 70% pour la mutuelle et là rebelote vous avez les moyens d’une couverture total c’est bien et Si vous ne pouvez pas Vous devrez payer ce qui n’est pas pris en charge par votre mutuelle , ticket modérateur bye bye pas de mutuelle bonne chance marabout , ou croix rouge etc
      Alors le choix des candidats à la place très convoiter et sponsorisées par les banques, comment dire , soit ils y a un progrès sur les salaires des future patients ‘pour payer là mutuelle à 70%) soit une diminution significative des impots, car tout est sous pavillon des sociétés privées , soit suppression total des aides d’état AME etc… c’est vos Impots et par effet mécanique vous payer moins d’impots jolie leurre , car n’oublier pas qu’une mutuelle pleins pots coute un bras …Observer le nombre de privatisation il es limpide que nous nous dirigeons vers une économie à l’américaine , flexibilité du travail , impots à la source , contrat à la semaine aux usa et qui sait un jour en France , car aux usa ont vous payent par semaine et pour cause ( emplois à siège éjectable = flexibilité ) , alors faire 3 ans dans la méme société c’est un exploit aux usa sauf si vous étes capable d’évolution Significative et rapide (adaptabilité express), sinon c’est opération cartons , Là Mutuelle d’ENTREPISE OBLIGATOIRE aux usa suivant votre emplois la couverture est bonne NETWORK, MEDICAID (HMO) etc ou pas comme les PPO , RED CROSS (cette couverture est en place en France encore un signe claire et net mutuelle d’entreprise ) , attention vous etes flexible donc plus de rébellion .sinon plus de mutuelle donc marabout, croix etc etc ps ayant travailler aux usa si vous etes juste légèrement malade exemple une blessure légère donc pas d’hospitalisation ouf! le rdv chez le médecin vous payer 1000 dollars la consultation et pour les médicaments vous allez pas dans une pharmacie comme France , mais chez wallMart idem à leclerc en France et vos médocs vous coute 500 dollards certes vous avez vraiment grand intérêt à gagner très bien votre vie et ne compter pas vos heures, bon les heures aux usa sont libre et les salaires sont à la hauteur de votres valeur PRODUCTIVE avec ou sans diplômes, rien que cela vous tire à faire toujours plus pour vraiment gagner Vraiment Plus , Bon en France ce n’est pas encore cela , ici c’est le paradis mais j’ai bien peur que le made in usa soit en France dans très peux de temps vue la tournure des Hôpitaux et autres changement majeur pris en Europe (états unis d’Europe encore un signe ) , je suis roder Mais les Français pas sur . je m’excuse par avance pour les fautes d’Orthographe dans ce texte .

  2. Il n’y a pas que les malades qui en paient le prix mais aussi le personnel soignant qui est au bord du burn out, et par dessus le marché très souvent attaqué verbalement et/ou physiquement, soit par les patients soit par leur entourage !

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