La raison délirante de l’Europe, un nouveau fascisme mou ? [Laurent Sutter]

Il est temps d’ouvrir les yeux : les autorités qui se trouvent à la tête de l’Europe incarnent un fascisme nouveau. Ce fascisme, ce n’est plus celui, manifeste et assumé, qui a fait du XXsiècle l’un des grands siècles de la laideur politique ; il s’agit plutôt d’un fascisme mou et retors, dissimulant ses intentions mauvaises derrière un langage qui se voudrait de raison. Mais la raison que manifestent tous ceux qui, aujourd’hui, se trouvent forcés de discuter avec le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, est en réalité une raison délirante. Elle l’est sur plusieurs plans.

Premièrement, la raison européenne est délirante sur le plan politique : chaque nouveau geste posé par les autorités de l’Europe (ainsi, en dernier lieu, celui du directeur de la Banque centrale, Mario Draghi) affiche davantage le mépris des principes sur lesquels elle se prétend fondée par ailleurs. En proclamant que les traités européens sont soustraits à tout vote démocratique, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, ne l’avait pas caché : la démocratie, en Europe, n’est qu’un mot vide. Qu’il ait pointé une réalité juridique (il est vrai que les traités sont négociés entre Etats et non entre populations) n’empêchait pas moins qu’il s’agissait là d’une déclaration de renégat. Non, l’Europe ne vous appartient pas, peuples d’Europe – pas plus qu’elle n’appartient aux gouvernements que vous avez élus, si ceux-ci ne marchent pas au rythme que nous souhaitons lui voir adopter. Tel était le message que Juncker souhaitait faire passer – et qui a été entendu.

Deuxièmement, la raison européenne est délirante du point de vue économique : ce que les autorités européennes sont en train de réaliser, c’est tout simplement la ruine d’un continent entier. Ou, plutôt : la ruine de la population d’un continent entier – à l’heure où la richesse globale de l’Europe, en tant qu’entité économique, ne cesse de croître. Les autorités économiques européennes, en tentant de tuer dans l’œuf le programme grec, pourtant d’une impeccable rationalité économique, de Yánis Varoufákis, le disent là aussi sans ambages. Ce qui les intéresse, c’est la perpétuation d’un statu quo financier permettant au capitalisme, dans son caractère le plus désincarné et le plus maniaque, de continuer à produire une richesse abstraite. Il n’est pas important que la richesse en Europe profite aux personnes ; en revanche, il est d’une importance croissante qu’elle puisse continuer à circuler – et toujours davantage. Pourtant, qu’en déséquilibrant de manière aussi radicale le système économique européen, les autorités en question risquent d’aboutir à la destruction du système capitaliste lui-même, comme ne cessent de le souligner les analystes financiers, ne leur traverse même pas l’esprit. Car, au bout du compte, il ne s’agit pas vraiment de capitalisme, ni même d’économie ; il s’agit de pouvoir, et de sa pure imposition.

Troisièmement, la raison européenne est délirante du point de vue de la raison elle-même. Derrière les différents appels au «raisonnable», que le nouveau gouvernement grec devrait adopter, se dissimule en réalité la soumission à la folie la plus complète. Car la raison à laquelle se réfèrent les politiciens européens (par exemple, pour justifier les mesures d’austérité débiles qu’ils imposent à leur population) repose sur un ensemble d’axiomes pouvant tout aussi bien définir la folie. (…)

Pourquoi continue-t-il à faire semblant de se trouver des raisons, lorsque ces raisons n’ont plus aucun sens – ne sont que des mots vides, des slogans creux et des logiques inconsistantes ? La réponse est simple : il s’agit bien de fascisme

Ce délire généralisé, que manifestent les autorités européennes, doit être interrogé. Pourquoi se déploie-t-il de manière si impudique sous nos yeux ? Pourquoi continue-t-il à faire semblant de se trouver des raisons, lorsque ces raisons n’ont plus aucun sens – ne sont que des mots vides, des slogans creux et des logiques inconsistantes ? La réponse est simple : il s’agit bien de fascisme. Il s’agit de se donner une couverture idéologique de pure convention, un discours auquel on fait semblant d’adhérer, pour, en vérité, réaliser une autre opération. Comme je l’ai suggéré plus haut, cette autre opération est une opération d’ordre : il s’agit de s’assurer de la domestication toujours plus dure des populations européennes – de ce qu’elles ne réagiront pas aux mesures de plus en plus violentes prises à leur encontre. Des gouvernements qui se prétendent démocratiques ont été élus par les différentes populations européennes – mais ce sont des gouvernements dont le programme caché est tout le contraire : ce sont des gouvernements qui souhaitent la fin de la démocratie, car la démocratie ne les arrange pas. Tout le reste n’est que prétexte. Or, ce que le nouveau gouvernement grec tente de réaliser, c’est réintroduire un peu de réalisme au milieu de l’invraisemblable délire politique, économique et rationnel dans lequel baigne l’Europe – donc un peu de démocratie. Mais, ce faisant, il rend apparent l’ampleur de la crapulerie régnant dans les autres pays du continent – et, cela, on ne le lui pardonnera pas.

Laurent de SUTTER Professeur de théorie du droit, à la Vrije Universiteit de Bruxelles et directeur de la collection «Perspectives critiques» aux Presses universitaires de France

Source: Libération

Ender

22 Commentaires

  1. Il s’agit bien en effet d’une idéologie indiscutable qui est en train d’être appliquée, bien au delà du concept du capitalisme. On peut l’appeler fascisme ou la désigner par un autre mot, mais elle n’en est pas moins redoutable.

  2. Je vous invite à lire le message entier sur le site, l’heure est grave :

    Les Français sont instrumentalisés dans la guerre générale. Nous sommes trahis C’est notre vie qui est en jeu.
    La crise monétaire qui arrive aura raison du semblant de calme persistant.
    Si l’on fait la somme des actes honteux des différents gouvernements, le summum est atteint. Si rien n’est fait pour contrer la folie destructrice du gouvernement actuel de Hollande, ce sont tous les Français qui auront à payer la dette du Gouvernement.
    Il y a de nombreux sujets de mécontentements, d’injustice flagrante, de preuve de l’incompétence avérée des hommes au pouvoir, pour faire craquer l’allumette et que le feu embrase la France. D’après Clefsdufutur-Actualités-05.05.2015-
    http://www.clefsdufutur-france-afrique.fr/news/lavilissement-de-la-france/

    “Nous sommes à quelques heures de l’éclatement général et il suffit de lire les sites indépendants pour se rendre compte que le phénomène ne touche pas que la France.”Clefsdufutur-Actualités-06.05.2015-

  3. Comment l’UMP et PS essaient de manipuler les electeurs du FN

    http://www.youtube.com/watch?v=EuObrBKMQfQ#t=213

  4. Une analyse interessante sur le FN faite sur 30 ans concernant le pourcentage de votants FN en proportion du nombre totald’electeurs inscrits.

    http://www.arretsurimages.net/breves/2015-04-03/Le-detail-le-recidiviste-et-quelques-chiffres-id18769

  5. Amis et Amies Moutons enrages,Je vous propose une enigme a resoudre.
    Un avis qui n’engage que moi.

    Tous les ennemis du peuple nous les connaissons a tous les niveaux tant politique ou economique et aussi bien interieurs qu’exterieurs.
    Mais Un seul ennemi ,surtout et en France,avance cacher face au peuple de France.

    Cet ennemi interieur est de loin le plus dangereux car il brouille les cartes ,il triche,il ment,il joue la comedie .fait gagner du temps a l’oligarchie et tout cela sous le couvert de belles paroles charismatiques comme disent certains,et empeche, ainsi, les Francais d’y voir clair dans le jeu politique.

    De qui ou de quoi s’agit il??

    • Mouhahahahahahahaha! ^,^’
      Ben oui quoi! https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wink.gif
      Moi…

      Et “ceux qui le savent et s’en servent” contre nous..?

      <3 :*

    • le seul ennemi du peuple,norbert,
      c’est la vermine politicienne sournoise et incompétente

      • Oui,c’est vrai mais tout le monde connait,du moins parmi les moutons, la vermine politicienne officielle qui avance a visage decouvert.

        Par Qui et quoi, certains moutons ici meme et bien sur une certaine majorite du peuple se laissent-t-ils berne tant l’illusion semble parfaite?

        • l’illusion de faire croire à cette majorité, qu’elle décide individuellement de son destin,pour le bien commun de tous!
          elle est belle ,l’arnaque..du rôt pet haine

          ah ahh ahh
          26 milliards que les grecs ont sorti de leurs banques,
          et y ‘en a encore qui se posent des questions existentielles..
          (je dis pas ça pour toi, norbert,je l’entend en général)

        • Si ce n’est par nous mêmes, par la constitution et ceux qui la définissent..?

  6. Comme quoi depuis que le monde est monde rien n’a changé!

  7. Je trouverais assez moral d’aller empoisonner tous les soldats de toutes les bases armées d’Europe, après tout le Traité Transatlantique apporte le poison pour tous les Européens!

    • C’est pas nécessaire ,demandez aux 5.000 Généraux svp ?
      Général ou est votre Armée hahaha,ils sont 5.000 à attendre la pension ..

      La Légion étrangère est pensionnaire des maisons de retraite hahahah.
      https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_yahoo.gif

  8. Je vous invite à lire le Manifeste de l’Anarchie.
    Vous verrez que ce n’est pas ce bordel.
    http://www.panarchy.org/bellegarrigue/manifesto.html

  9. 1- La Grèce est en faillite.

    2- Les banques privées grecques sont en faillite.

    3- La banque centrale de Grèce est en faillite.

    4- Mais à part ça, ça va.

    Mercredi 6 mai 2015 :

    Grèce : la BCE relève d’encore 2 milliards d’euros le plafond de l’ELA.

    La Banque centrale européenne (BCE) a encore relevé mercredi, de 2 milliards d’euros, le plafond de son financement d’urgence (ELA) des banques grecques, portant désormais celui-ci à 78,9 milliards d’euros, a-t-on appris de source bancaire grecque.

    Selon les chiffres de la Banque de Grèce, ménages et entreprises ont retiré un total de 26,807 milliards d’euros en quatre mois des banques grecques. Fin mars, les dépôts privés s’y montaient à 138,55 milliards d’euros, au plus bas depuis février 2005.

    Et selon les premiers chiffres connus pour avril, la tendance au retrait des capitaux a repris de plus belle.

    http://www.romandie.com/news/Grece-la-BCE-releve-dencore-2-milliards-deuros-le-plafond-de-lELA/591050.rom

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