« Too Big to Jail » ? Pourquoi les entreprises et leurs dirigeants échappent aux poursuites judiciaires

Mais pourquoi aussi peu de peines de prison? Et en France, combien d’industriels ou de  personnalités politiques devraient se trouver derrière des barreaux plutôt que dans les médias? Ils sont puissants, magouillent, trichent, mentent, nous donnent des conseils ou exigent, se foutent de nous, et continuent à vivre tranquillement oubliés par la justice. Petite analyse intéressante pour que nous comprenions un peu mieux…

Au lendemain de la crise financière, les autorités américaines avaient promis prison - brazilphotosstockagencyque les responsables seraient punis et ont lancé de nombreuses enquêtes judiciaires à cet effet. Au final, quasiment aucun dirigeant d’entreprise n’aura été poursuivi, et les amendes infligées à certains institutions financières de Wall Street ont à peine affecté leur bilan annuel. Derrière les grandes annonces sur les amendes record encourues par des banques ou des firmes pharmaceutiques persiste une réalité d’impunité juridique pour les grandes entreprises et leurs dirigeants. Dans un livre récemment paru aux États-Unis, intitulé « Too Big to Jail », Brandon Garrett, professeur de droit à l’Université de Virginie, revient sur les raisons de cette défaillance.

Le New York Times présente les conclusions de l’ouvrage :

Désormais, grâce à Brandon L. Garrett (…), nous savons que le sentiment populaire selon lequel le gouvernement aurait été laxiste envers les dirigeants d’entreprise coupables à titre individuel de délits ou crimes économiques est fondé dans les faits.

Le professeur Garrett a analysé 303 accords d’annulation de poursuites passés entre le département de la Justice et des entreprises entre 2001 et 2014, lesquels ont permis aux entreprises concernées d’éviter de plaider coupable en payant des amendes et en acceptant la mise en place de diverses mesures. On peut admettre que dans chacun de ces cas sans exception, des individus ont réellement commis des crimes, car les entreprises sont des entités légales et ne peuvent pas être poursuivies à moins que leurs employés aient commis des méfaits. Et pourtant, le professeur Garrett note que des individus n’ont été poursuivis que dans seulement 34% des cas. Et parmi ces individus poursuivis, seulement 42% ont été condamnés à des peines de prison.

« Dans la plupart des cas, lorsque les grandes entreprises sont poursuivies au niveau fédéral, les individus ne sont pas mis en examen », remarque le professeur Garrett said. De fait, ces individus ne sont le plus souvent pas même identifiés. Dans le cas de Standard & Poor’s [qui a accepté de payer une amende de 1,375 milliard de dollars pour avoir surestimé la solidité financière de produits dérivés de type subprimes], le département de la Justice a fait grand bruit du fait que l’entreprise ait signé une « déclaration des faits », mais celle-ci ne contient que de vagues références à un « gestionnaire de valeur client », un « cadre » et un « cadre dirigeant ».

Et la démonstration est la même en ce qui concerne les amendes versées pour des affaires de corruption (Siemens) ou par des groupes pharmaceutiques (Pfizer).

Les temps sont-ils toutefois en train de changer ? L’article se conclut sur une note plus positive :

Il y a des signes de progrès. À la fin de l’année dernière, Donald L. Blankenship, ancien PDG du groupe de charbon Massey Coal, a été jugé coupable de multiples chefs d’accusation relatifs au non-respect des standards de sécurité au sein de ses mines, après qu’une explosion a tué 29 mineurs en Virginie-occidentale en 2010. Les condamnations criminelles de PDG sont rares, particulièrement au pays du charbon (…). Avec de nombreuses affaires en cours qui semblent aisées à mener à bien — les diverses affaires de fraudes sur les devises ou les taux d’intérêt pour lesquelles des banques ont déjà plaidé coupable ou accepté des règlements à l’amiable, ou encore l’affaire de corruption impliquant Walmart dans des pays tiers, pour n’en citer que quelques-uns — le département de la Justice a l’opportunité de démontrer un peu plus de cran.

Lire l’intégralité de l’article sur le site du New York Times, ainsi que le compte-rendu de la New York Review of Books.

Source: Multinationales.org

 

Benji

7 Commentaires

  1. C’est beaucoup plus simple que ça:
    “Selon que vous serez puissant ou misérables…”
    Vous connaissez la suite.

  2. Je vais sans doute en étonner plus d’un, mais une des réponses se trouve dans le livre “Des pions sur l’Echiquier” de William Guy Carr
    Bouquin très difficile de par son coté “curé” et croyances par moments. mais cependant, force est de constater que j’y retrouve beaucoup de choses déjà dévoilées dans le livre de Eustace Mullins “Les secrets de la réserve fédérale”.
    Franchement ça m’interpelle et ça répond parfaitement à cette question : “Too Big to Jail ?” !
    Si ce qui est dénoncé dans ces livres est vrai, alors il va nous falloir des siècles pour nous en remettre …si on doit s’en remettre!

  3. Bonjour les moutons. Poser la question c’est y répondre. Il y en a qui pensent que tout est question d’habitude. Perso, je m’y fais pas. La bonne journée à TOUTES et à tous.
    Caillasse du jour : 8 mars, journée internationale des droits des femmes

  4. Perso, il y’a 2 ans, je me suis fait arnaquer par le site Docteurdiscount.com. Comme des milliers de personnes avant et après moi, le site avait débité ma CB pour une commande que je n’ai jamais reçu. Naïvement, je pensais que ce genre d’escroquerie était impossible en France. Il a fallu des années et des milliers de victimes avant que le site ne soit définitivement condamné à fermer ses portes :

    http://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/arnaque-le-site-docteurdiscount-com-condamne-21-05-2014-3859941.php

    Bref, tout ça pour dire que j’ai compris à mes dépends, que la justice est si lente en France, qu’il est assez facile de monter une arnaque même très grossière et d’engranger pas mal de pognon avant de disparaitre dans la nature. Le temps qu’un juge sorte de sa sieste, vous serez déjà loin …

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