Vous méritez mieux que ces magazines : comment le psycho marketing fabrique la frustration…

Narcissisme, machisme, misogynie, dysmorphisme, anorexie, boulimie, anxiété, intolérance, préjugés, culpabilité, insatisfaction chronique, hypocondrie, état de frustration permanent, consommation compulsive, fermeture d’esprit, soumission totale à la société de consommation, dépolitisation, abandon de son autonomie et de ses pouvoirs, individualisme (ou plutôt soiisme )… Dans tous ces maux, de l’individu à la société, les magazines ont leur part de responsabilité. Avec la télévision et ces pires chaînes, bien évidemment.

Oui, l’accusation est gravissime, elle peut vous sembler disproportionnée, voire complotiste. On n’est pas vraiment adepte des théories du complot et nous pensons avoir un minimum de sens de la mesure : nous n’accusons certainement pas tous les magazines, cependant nous sommes persuadés que bon nombre d’entre eux sont de véritables poisons pour les cerveaux et qu’ils participent plus ou moins involontairement à notre mal-être tout en se targuant de faire le contraire. Nous n’accusons pas les journalistes de cet état de fait, excepté pour ceux qui manquent d’ambition ou d’attrait pour leur métier et qui se contentent d’agir en subordonné bien obéissant, ce qui est bien dommage pour eux comme pour leurs lecteurs. Nous accusons cette attitude de soumission à la société de consommation qui anime les décideurs (parce qu’ils y gagnent leur pouvoir/leur argent) et qui est accueillie à bras ouverts par les lecteurs (parce qu’on leur faire croire que cela les “détends”, les “distraits”, les “amusent”, leur fait du bien ou améliore leur vie).

Cessons à présent de verser dans l’épique racoleur (mais néanmoins sincère) et venons-en aux faits.

De quels magazines parlons-nous ?

Grâce ou à cause d’Internet, la vente de magazines est en baisse depuis quelques années. En 2013, sur 373 magazines, 50 seulement ont amélioré leurs ventes (par exemple planète foot, Causette, Création d’entreprise mag) et tous les autres, 323 donc, sont en baisse, plus ou moins conséquente.

Dans le top 10 des magazines les plus vendus en 2013 selon l’ODJ, 7 d’entre eux sont consacrés essentiellement à la télévision (TV mag, Télé Z, Télé 7 jours, etc…). On n’en parlera pas ici : nous doutons fortement que ces lecteurs n’atteignent notre modeste blog, ni qu’ils aient le temps ou les compétences pour lire des articles sur Internet (les + de 50 ans restent en moyenne cinq heures par jour devant le téléviseur et le fait d’acheter des magazines pour le programme télévision signifie sans doute une inaccessibilité quelconque à Internet). On a beau être au courant que la télévision n’est pas encore morte pour tout le monde, ces chiffres nous ont surpris. N’y a-t-il personne, des petits enfants, enfants ou même aidants pour expliquer à grand-père comment accéder via l’ordinateur/la tablette à son programme télévision ? Apprendre des micro-bases de navigation sur internet et donner le gout de cette recherche serait pourtant une formidable aide pour lutter ou prévenir contre les maladies dégénératives, la sénilité, la perte des capacités cognitives… Mais soit, revenons-en à notre sujet.

Viens rapidement dans le classement les féminins, en nombre certain : leur popularité est bien là, autant vers des cibles âgées que jeunes. Bien que les masculins ne connaissent pas cette grande popularité, nous en parlerons en même temps que les féminins ici étant donné qu’à l’exception de quelques nuances “bleues” différentes, la logique est la même.

On ne parlera que d’eux, bien qu’il est vrai qu’on aurait pu se pencher sur les people qui sont également d’excellents sous-fifres de la société de consommation ; l’idée de se centrer sur les magazines de “genre” n’exclut pas que d’autres magazines soient également aussi catastrophiques, il s’agit surtout là de centrer notre propos afin de pouvoir bien l’étudier (et ne pas faire un trop gros pavé également…)

Les magazines et la publicité, un mariage fusionnel

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« Je suis publicitaire : eh oui, je pollue l’univers. Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ces choses que vous n’aurez jamais. Ciel toujours bleu, nanas jamais moches, un bonheur parfait, retouché sur Photoshop. Images léchées, musiques dans le vent. Quand, à force d’économies, vous réussirez à vous payer la bagnole de vos rêves, celle que j’ai shootée dans ma dernière campagne, je l’aurai déjà démodée. J’ai trois vogues d’avance, et m’arrange toujours pour que vous soyez frustré. Le Glamour, c’est le pays où l’on n’arrive jamais. Je vous drogue à la nouveauté, et l’avantage avec la nouveauté, c’est qu’elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente. Vous faire baver, tel est mon sacerdoce. Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce que les gens heureux ne consomment pas. » 99francs, Frederic Beigbeder

Afin d’y voir clair, nous avons comptabilisé le nombre de publicités contenues dans les magazines féminins et masculins. C’est un exercice simple, gratuit (les salles d’attentes ou autres “lieux” regorgent de ces lectures) à la portée de tous et il est très instructif. Pour ce calcul, on a distingué :

– les sujets (nous avons par gentillesse, considérés que tout ce qui n’était pas lié à la vente de quelque chose était un sujet, ce qui comprend également les pages astro, les recettes de cuisine ou les jeux types mots croisés),

– les “faux sujets” ou “pub non-officielles”, dont le seul vrai message est « achetez » ( les « must have », les guides, les conseils de produits, les photos de mode, de style, les comparatifs… ) que nous avons considérés comme de la pub

– la pub “officielle”.

Nous avons voulu faire un calcul simple pour que n’importe qui puisse en faire de même, cependant si on veut pousser l’analyse, il faudrait chercher dans les sujets tout ce qui a trait à la consommation, ce qui est une incitation à l’achat, une injonction à posséder un objet, une injonction à avoir une attitude liée à la consommation (par exemple, dans les magazines féminins, les articles considèrent que la femme est forcément adepte, voire accro au shopping ; dans les masculins, les hommes sont supposés avoir envie et besoin des toutes dernières technologies). Les scores de “pub” présentés ci-dessus sont donc minorés :

taux pub hacking social

Détails des calculs : FHM septembre 2013 57,14 % de sujets ; 16,33 % de pubs officielles ; 26,53 % de pubs non officielles ; le pourcentage total de publicité : 42,86 % ; Femme actuelle n*1510 du 2 au 8 septembre 2013 : 28,46 % de sujets ; 29,26 % de pubs officielles ; 42,28 % de pubs non officielles ; Elle n*3530 du 23 au 29/08/2013 : 19,4 % de sujets ; 29,85 % de pubs officielles ; 49,25 % de pub non officielle

On a donc ici une forte alliance à la pub, manifeste, prouvée par le taux important de pub officielle et le taux des pubs masquées encore plus important.

“Oui, mais sinon on meurt si on ne s’associe pas à la pub !” nous dirait quelques médias, cependant force est de constater que d’autres façons de faire vivre un magazine, un journal, sont possibles : médiapart vit de ses abonnements, comme le canard enchaîné ; d’autres vendent des services annexes (formation journalistiques de Rue 89 par exemple) ; d’autres encore font des journalistes leurs actionnaires (ce fut le cas de “le monde” pendant longtemps par exemple). Mais soit, acceptons l’argument et acceptons les doubles pages de pubs “franches”.

Le vrai problème n’est pas celui de ces pubs ultra photoshopées qui, bien qu’elle déforme notre perception, changent via l’inconscient nos critères de “normalité acceptable” (et faisant passer toutes les filles faisant plus d’un 34 pour des obèses laides ; le fameux dysmorphisme dont nous parlions en introduction), elles ont le “mérite”, pour la plupart, d’être clairement identifiées comme étant de la publicité. Le vrai problème à notre sens, est que la ligne éditoriale, les sujets (dont les faux-sujets pubs), sont totalement au service de la société de consommation, des marques, de la transformation de la fille ou du garçon en con-sot-mateur. Ces magazines sont des catalogues publicitaires qui se font passer pour du divertissement, pour des “grandes sœurs” ou “grand-frère” donnant des conseils, pour des coachs, des informateurs, des prescripteurs de “bon” comportement : or leur seul vrai objectif est de gagner de l’argent, et cela passe non pas par la vente renouvelé de leur magazine, mais surtout par l’alliance avec les marques et la satisfaction de l’intégration de la pub dans l’esprit des gens.

De la pub à la norme comportementale : où comment faire intégrer que la fille est moche si elle n’a pas le mascara de la saison et que le garçon est un looser s’il n’a pas la voiture du moment

Certain pourrait re-titrer cette section “comment le cool naît et meurt via l’influence des magazines”, mais on pourrait également utilisé un autre terme “comment le magazine et la marque crée l’obsolescence psychologique et lutte contre les mauvais consommateurs”.

L’obsolescence psychologique est une notion simple à comprendre : c’est l’ensemble des méthodes consistant à inciter le consommateur à se séparer d’un produit et en acheter un nouveau avant même qu’il soit hors d’usage. Pour un smartphone, c’est faire passer l’ancien modèle comme ringard et le nouveau comme révolutionnaire (même si la différence technologique est nulle, comme un écran légèrement plus grand) dans les magazines, c’est faire une interview d’une star qui l’a acquis et qui explique comment il ne s’en passe plus; pour un vêtement, par exemple un slim, c’est faire une double page sur toutes les stars en portant et le déclarer “in” par la “fashion police” et une autre page “out” avec des jeans normaux accusés de tous les crimes par la fashion police. Certes, il y a du second degré dans ces pages, mais cela n’empêche pas l’impact dans notre cerveau, qui même s’il ne s’en rappelle plus au magasin, choisira le “in” plutôt que le “out” et aura envie d’un nouveau smartphone, même si l’ancien fonctionne à la perfection.

Mais ces stratégies sont grossières et ne sont pas assez impactantes. Comme le dit Beigbeder dans l’extrait au-dessus, un bon con-sot-mateur se doit d’être malheureux et les malheurs quotidiens ne suffisent pas : il faut les exacerber, créer des besoins là où il n’y en a pas, rendre le consommateur déprimé, insatisfait, frustré, jaloux, etc. Et les magazines le font, notamment les people, la majorité des féminins, les masculins ; Anne Streiger, ayant été journaliste pour des magazines féminins et masculins durant plusieurs années, nous explique quelle corde on fait vibrer dans les féminins :

«  On joue sur la peur ancestrale de la solitude, l’angoisse de ne pas être aimable, la hantise d’être le contraire de la « fille idéale » : moche, rejetée, transparente et désespérément seule. Cette presse appuie là où ça fait mal aux jeunes femmes : leur frustration sentimentale, leur mal-être physique et social. » la vie sexuelle des magazines, Anne Streiger

Ce genre de magazine exploite donc les peurs et les angoisses, mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus grave car qui n’a pas un jour cherché secours dans des livres-coaching, dans une émission ou un article ? C’est une pratique courante, parfois très saine lorsque le livre/l’article/l’émission apporte de l’apaisement, de vraies idées pour faire face à une situation et des solutions qui aident à nous construire de meilleures défenses ou armes, qui fait repenser la problématique sous un angle plus profitable. Cependant les magazines féminins/masculins n’ont pas d’intérêts à solutionner définitivement nos angoisses, car c’est leur source de revenus. Que ce soit volontaire ou non, les magazines de ce genre produisent des effets sur nous :

– par empathie, par identification, la lecture d’articles tels que « je stresse, mais je me soigne » fera se croire stresser et devant appliquer ces « soins », même si on n’est absolument pas stressé. C’est un effet courant que connaissent les étudiants en médecine ou en psychologie : à lire et à chercher à comprendre des pathologies, des problèmes, on se trouve toute sorte de problèmes. Il est très facile de prendre la mesure de ce phénomène : prenez au hasard un dossier santé sur Doctissimo, après lecture de ce dossier, vous vous trouverez tout un pèle mêle de symptômes liés à des maladies graves, et cela même si vous allez très bien. À cause de ce phénomène et des articles centrés sur bon nombre de problématique, le magazine participe volontairement ou involontairement à la création de toute pièce (ou le renforcement) de ces problématiques chez son lecteur.

Lire la suite sur le site Hacking social

Ender

11 Commentaires

  1. Cet article dit tout,bien ficelé et criant de vérité ignorée,je ne peux m’empêcher de penser à chaque fois que je découvre une énième façon de conditionner les gens,que la politique actuelle et celle à suivre a de très bons jours devant elle,on est pas sortis….

  2. Bonjour les M.E.
    Je vais être brutal; si le commun était moins con ces magazines n’ auraient aucune influence sur le comportement.
    Pourquoi ces magazines s’adressent-ils principalement aux femmes et aux ados?… parce-que ce sont les plus faibles, les plus vulnérables, les plus bêtes. Les ados, ma foi, ont l’ excuse de la jeunesse ignorante mais vous mesdames?… Pas flatteur pour vous ça!!!
    Je classe à part Volti.. Itsmie, Paprika, Gwendoline, ma soeur, ma cousine, Natacha et…celles que j’ oublie.
    Ne venez pas me faire un procès d’ intention, j’ admets que j’ exagère…voui voui, j’ exagère…à peine.

    • T’as oublié maman !

    • Peut-être que les femmes et les ados sont tous simplement les plus disponibles pour ces lectures ? Héritage d’un système patriarcal où la place de la femme est à la maison ou au salon de coiffure, même si cela tend heureusement à s’équilibrer.

      Il suffit de jeter un œil aux magazines pour hommes pour se rendre compte que le niveau n’est pas plus flatteur. L’offre n’est juste pas aussi prolifique, mais la qualité ne vaut pas mieux.

      Pour ce qui est de l’abrutissement des ados, l’éducation n’y est pas pour rien. Il faut voir les lectures de leurs parents, et leurs programmes TV favoris..

      Il faudra tout de même m’expliquer en quoi les hommes sont moins faibles, moins vulnérables et moins bêtes. Je suis curieux d’en connaître les raisons qui te poussent à cette conclusion.

      • Tu connais un masculin pour groupie hystérique?

        • Il n’y en a pas, et ce n’est pas la seule expression concernée, loin de là. D’ailleurs, pose-toi donc la question. Le langage est une forme de manipulation. Pas besoin de novlangue poussé pour formater les esprits, et créer de toutes pièces de nombreuses inégalités.

          Quand on se qualifie de “con”, oublie-t-on le sens premier de ce mot ? Les séquelles d’un esprit fermé où la femme est un “sous-homme” sont séculaires..

  3. Merci pour le lien, ce blog a l’air pas mal https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_good.gif

    Quand je pense que je me suis payé un mastère en Marketing pour arriver aux mêmes conclusions et me reconvertir dans l’informatique … J’aurais mieux fait de faire un CAP de plomberie + électricité https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_cry.gif

  4. Les hologrames civiles, imaginez l’avancé qu’ont les militaires dans ce domaine, on y assistera tous un jour ou l’autre.

    http://www.youtube.com/embed/5CqUYBopWLs

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