Environnement : Monsanto cherche à breveter des abeilles transgéniques

Le géant de l’agrochimie Monsanto investit discrètement dans des entreprises à la pointe de la recherche sur les abeilles. Le but du fabriquant du Round-up ? Commercialiser à terme des souches résistantes aux pesticides grâce à la manipulation génétique. L’intérêt soudain que porte le principal empoisonneur public aux abeilles inquiète les apiculteurs qui y voient une  volonté de l’entreprise de breveter l’ensemble du processus de reproduction du vivant…

Après les semences, les pesticides, les engrais… Voilà que Monsanto s’intéresse à la pollinisation. Ou plus précisément, aux abeilles. Un tiers de notre alimentation dépendrait de leur patient travail, un service évalué à 153 milliards d’euros par an par une équipe de chercheurs de l’INRA.

Depuis quelques années, Monsanto s’intéresse à la mauvaise santé des abeilles, et explique vouloir les sauver à coup de recherche génétique. Le principal promoteur des plantes transgéniques débarque dans un contexte très difficile pour les apiculteurs.

Depuis la fin des années 1990 en France, et l’hiver 2006-2007 aux Etats-Unis, les essaims semblent victimes d’un mal mystérieux. Environ 30 % (presque un tiers !) des ruches meurent chaque année, sans explication apparente. Alors qu’une mortalité “normale” selon les apiculteurs, s’établit autour de 10 %. 

Les scientifiques n’ont pas réussi à trouver une seule explication à ce “syndrome d’effondrement des colonies”, mais un ensemble de causes qui provoqueraient la disparition des colonies d’abeilles :

- des causes “pathogènes” comme certains parasites, virus ou champignons,
- le manque de diversité génétique (les abeilles ont été sélectionnées pour leur productivité, mais sont moins adaptées à leur milieu),
- le manque de nourriture dû à une agriculture intensive qui réduit la biodiversité,
- les pratiques des apiculteurs, qui notamment aux Etats-Unis transportent les ruches à travers tout le pays pour polliniser les cultures et affaiblissent leurs essaims par ces voyages incessants,
- enfin (et surtout ?) les pesticides : “Le catalogue des produits phytopharmaceutiques dénombre aujourd’hui 5 000 produits commerciaux dont l’utilisation selon des méthodes non autorisées est susceptible de provoquer des dommages irréversibles sur les colonies d’abeilles”, indique un rapport de l’ANSES daté de 2008.

Monsanto rachète une entreprise de préservation des abeilles

Pour endiguer cette disparition, les recherches vont bon train. Et c’est là que Monsanto entre en scène. En 2011, la multinationale rachète Beeologics, une entreprise spécialisée dans la recherche et la production de solutions pour améliorer la santé des abeilles. “Notre mission est de devenir les gardiens de la santé des abeilles partout dans le monde”, indique son site internet.

Dans un communiqué de presse la firme américaine justifie ce rachat : “Monsanto sait que les abeilles sont une composante clé d’une agriculture durable dans le monde.”

Beeologics a développé un produit à base d’ARN (une sorte de copie de l’ADN qui permet aux cellules de fabriquer les protéines dont elles ont besoin) pour lutter contre certains virus : “Une copie d’une séquence d’ARN du virus est introduite dans la nourriture des abeilles et leur organisme le perçoit comme un signal pour détruire le virus” explique Jay Evans, chercheur spécialiste de la génétique des abeilles au ministère de l’agriculture des Etats-Unis. Ce traitement, appelé Remebee, “réduit le syndrome d’effondrement des colonies”, promet Beeologics.

“La technologie à l’air sûre et c’est un succès, c’est pour cela que Monsanto a racheté Beeologics”, poursuit le chercheur, joint au téléphone.

Mais Christoph Then, vétérinaire, spécialiste des biotechnologies et ancien expert pour Greenpeace, ne partage pas cet enthousiasme : “Le procédé utilisé a été découvert il y a seulement quelques années. On ne connaît pas encore tous ses effets, il y a débat dans la communauté scientifique.” Surtout, Beeologics a testé les conséquences de son produit sur les abeilles, mais qu’en est-il sur d’autres organismes ? “L’ARN utilisé n’est pas stable et peut passer d’un organisme à l’autre, poursuit cet expert. Donc à ce stade, cette technologie n’est pas assez sûre pour être utilisée dans l’environnement.”

Pourtant au ministère de l’Agriculture américain, Jay Evans prédit déjà un bel avenir à ce remède pour les abeilles : “La technologie va se développer dans les prochaines années.” Beeologics espère même commercialiser un produit qui, grâce au même procédé, rendrait les abeilles résistantes au varroa, l’un de leurs parasites les plus destructeurs et contre lequel les apiculteurs sont de plus en plus démunis. Ce marché des traitements pour abeilles est dans doute minuscule comparé à celui des semences ou des pesticides, mais cela permet au moins à Monsanto de se racheter une image auprès de certains apiculteurs.

Un “sommet sur la santé des abeilles”

D’ailleurs, pour montrer son implication dans la protection des abeilles, Monsanto est allé jusqu’à organiser en juin de l’année dernière un “sommet sur la santé des abeilles”à son siège de Chesterfield.

Réunissant chercheurs, apiculteurs et industriels, l’initiative a étonné aux Etats-Unis. Au programme des discussions, les multiples causes du syndrome d’effondrement des colonies. A savoir la destruction des habitats et des sources de nourriture des abeilles, le virus varroa… et les pesticides.

Au programme des discussions, les multiples causes du syndrome d’effondrement des colonies. A savoir la destruction des habitats et des sources de nourriture des abeilles, le virus varroa… et les pesticides.

Il s’agirait d’une belle opération d’enfumage, pour faire oublier que les pesticides sont les principaux responsables de la disparition des abeilles, estime l’association environnementale Pesticide Action Network. Elle dénonce les “efforts insidieux de Monsanto et des autres fabricants de pesticides pour discréditer les études scientifiques sur les impacts des pesticides sur les abeilles”. Selon elle, Monsanto tente de faire croire que les pesticides ne sont qu’un problème mineur et que c’est le varroa destructor, ce parasite des abeilles, qui serait la menace la plus sérieuse…

“Les abeilles dérangent, rappelle Henri Clément, porte-parole de l’UNAF (Union National des Apiculteurs de France), elles posent la question de la qualité de l’environnement. Elles sont des lanceurs d’alerte et ont été les premières touchées par les pesticides.”

Les néonicotinoides, nouveau danger

Surtout, remarquent les apiculteurs, l’apparition du syndrome d’effondrement des colonies coïncide étrangement avec la mise sur le marché d’une nouvelle classe de pesticides à partir des années 1990 : les néonicotinoides.. Produits par Bayer ou Syngenta (par ailleurs producteurs, eux aussi, de semences transgéniques), ils enrobent aussi les semences de Monsanto, notamment les graines de maïs.

Leur action consiste à attaquer le système nerveux central des insectes. Chez les abeilles, une étude a ainsi montré, pour un néonicotinoide couramment utilisé, qu’il désoriente les abeilles : elles ne retrouvent plus la ruche. “Cela entraîne un risque de disparition de la colonie”, indiquent les chercheurs.

Ces pesticides affaibliraient aussi les défenses imunitaires des abeilles, indique une autre publication scientifique, les rendant plus sensibles aux parasites, aux maladies, ou au manque de nourriture quand la saison n’est pas clémente… Bref, ils seraient l’élément déclencheur, davantage que tous les autres facteurs responsables du syndrome d’effondrement des colonies.

Les soupçons sur ces pesticides nouvelle génération sont suffisamment étayés pour que l’Union Européenne ait décidé de suspendre l’utilisation de trois néonicotinoides pendant deux ans (depuis le 1er décembre 2013). Mais les apiculteurs demandent une interdiction ferme. “Les abeilles sont des empêcheurs de tourner en rond, un grain de sable dans l’engrenage de Monsanto”, poursuit Henri Clément.

Monsanto continue de détourner l’attention. Par exemple, l’entreprise est fière de citer parmi les “co-organisateurs” de son sommet sur la santé des abeilles le Project Apis m, un programme qui déclare fournir du matériel aux laboratoires et proposer des bourses aux jeunes scientifiques. Mais surtout, il incite les agriculteurs à semer des plantes nourrissantes pour les abeilles en période de pollinisation. Une autre action pour “sauver” les abeilles, financée par Monsanto.

Monsanto rachète une firme stratégique du royaume des abeilles

Le congrès de Chesterfield a également été l’occasion pour l’entreprise de se faire des contacts intéressants. Autre “co-organisateur”, le Honey Bee Advisory Council ou Comité de conseil sur les abeilles. C’est une organisation créée par Monsanto, qui se vante d’y réunir “des membres de l’industrie apicole, des experts et des membres du monde académique”. On y trouve notamment un ancien président de l’Association américaine des apiculteurs, mais aussi Gus Rouse, propriétaire de Kona Queen, la plus grosse entreprise de production de reines d’abeilles aux Etats-Unis. Une firme qui mérite la plus grande attention.

Située à Hawaii, Kona Queen produirait plus de 200 000 reines par an – le chiffre exact reste secret. Car ce marché ne compte que trois grands producteurs qui, pour des raisons de concurrence refusent de les dévoiler. Même avec les statistiques officielles, Danielle Downey, représentante du ministère de l’agriculture américain auprès des apiculteurs d’Hawaii ne peut faire que des estimations : “Environ 25 % des reines des Etats-Unis et 50 % des reines au Canada viennent d’Hawaii”.

L’Etat du Pacifique sous bannière étoilée profite de son climat favorable pour produire des reines presque toute l’année. “Ce sont les premières de la saison, les apiculteurs d’Amérique du Nord les font venir pour pouvoir développer leurs colonies plus tôt au sortir de l’hiver, raconte Danielle Downey. Avec l’apparition du syndrome d’effondrement des colonies, les apiculteurs ont de plus en plus besoin de reines pour remplacer les essaims perdus. La demande dépasse la production, et l’industrie est en pleine croissance”.

La production de reines est donc un secteur économique qui pourrait s’avérer de plus en plus rémunérateur, même s’il ne dépasse pas là pour l’instant quelques millions de dollars. Se rapprocher du principal producteur de reines des Etats-Unis permet aussi à Monsanto de mettre un pied dans la sélection génétique des abeilles, une des pistes aujourd’hui privilégiées par les chercheurs pour améliorer leur santé.

Lire la suite sur le site source : Reporterre

Ender

17 Commentaires

  1. Charade:

    Je regarde la nature.
    J’étudie la nature.
    Je reproduis la Nature.
    Je détruis la Nature.
    Je vends MA Nature !

    Je suis, je suis ?

    DIEU ! Ah non ? Ah, merde, ce n’est que MONSANTO…

  2. Pour la troisième année consécutive depuis 2012, la Semaine européenne de l’Abeille et de la Pollinisation se tient au Parlement européen à Bruxelles.

    http://www.bfmtv.com/video/bfmtv/politique/bruxelles-defend-abeilles-04-04-188519/

  3. Ah je comprends mieux pourquoi il avait fait saisir illégalement les abeilles résistantes et tuer les reines restantes d’un apiculteurs aux USA qui travaillait et avait réussi à faire naturellement des abeilles plus résistante ; …il voulais le monopole sur la chose, pour pouvoir se faire encore plus de fric, les bâtards ! https://lesmoutonsenrages.fr/2013/05/26/lavenir-des-abeilles-avec-monsanto-saisies-et-destruction-des-reines-resistantes/

    • Incroyable avec quelle rapidité la nature déjoue les pièges de ces assassins!!
      Même pas 20 ans et des individus résistants apparaissent!!

  4. A voir absolument
    le reportage de Jean Ziegler sur Monsanto et sur les grosses firmes agro-alimentaire.

    FUCKTHEMALL!

  5. Quelqu’un aurait-il un lien sur l’état de l’art de l’utilisation commerciale des semences ? (graines anciennes non hybride). Je cherche quelqu’un maîtrisant le sujet et expliquant la loi actuelle et celle(s) à venir.

    • Une référence en la matière : le catalogue Kokopelli qui est un peu coûteux mais qui dure…
      Pour des précisions sur la loi sur les semences, tu devrais aller sur le Réseau Semences Paysannes.
      En gros un peu grâce aux gens de la Conf’ une exception a été plus ou moins adoptée pour les semences anciennes mais il y a toujours l’ambiguïté de figurer au catalogue ou non !
      Donc pour le moment il est toujours autorisé sans limite aux particuliers de cultiver et échanger leurs semences et aux paysans de vendre les produits sans que ce soit une contrefaçon.
      Mais la commercialisation reste le pré-carré des gros de la cour des grands…
      Les différents projets dans pas mal de pays qui voulaient instaurer une exclusivité des semences aux semenciers ont été rejetées ( en Inde et récemment belle victoire au Chili ).
      Mais les traités en cours de “négociations” viendront de toutes façons perturber tout puisque les sociétés transnationales auront pouvoir d’attaquer les États en justice et que les pouvoirs supra-nationaux ont force de loi ( c’est le Parlement Européen qui décide en dernier ressort ) contre tout ce qui peut faire de l’ombre aux vampires.
      L’article sur les abeilles de Monsanto ( j’espère qu’on leur donne les abeilles… ) est une illustration commune pour les semences, ils veulent le Vivant et ils se l’approprieront !
      Pour ça ils sont prêts à détruire ce qui fait obstacle, en particulier les processus naturels de reproduction et d’enrichissement génétique, il faut donc faire intervenir des éléments-gènes qui perturberont irréversiblement la faculté d’adaptation et nous rendront plus dépendants des médicaments et autres pesticides.

      • En relisant j’ai l’impression de ne pas avoir répondu…
        C’est quoi ton truc ?
        Tu as l’intention de te livrer au trafic ?
        Par les temps qui courent c’est plus discret de faire dans la coke, les enjeux sont plus modestes.

  6. Une chose est sûr c’est qu’ils n’ont rien a foutre de l’avenir alors je n’ai qu’un mot mot a dire ce sont de belles ordures et le mot est faible !

  7. “en train de chialer en lisant ça” cette société est inhumaine

  8. De l’insecte à l’animal on parviendra à l’homme qui secrètement doit déjà être sur la liste des transgéniques.
    “Les éprouvettes prouveront que l’on est des bêtes,
    On fra l’calcul compris nos poils de cul! ”
    (Têtes raides)

    • http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=129518.html

      Repo Men
      ce film de 2010 je le trouvais assez réaliste d’un futur proche.
      On nous obligeras à changer nos organes crée in-vitro et biensûr breveté qui ne nous appartiendrons jamais. A ce stade ça sera pas compliqué de faire passer des lois via l’assurance maladie et les mutuelles pour obliger les gens à se greffer au lieux de se soigner. Comme ça ne sera pas compliqué d’y incorporé une nano puce pour que l’organe cesse de fonctionner si on ne paye plus…

  9. La génétique trafiquée, c’est comme le nucléaire, on n’en veut pas mais on se les tape pour des millénaires, ça laisse des traces…
    Alors même si Monsanto disparaît, leur travail de mort sera parmi nous comme les zombies, œuvrant en silence !

Les commentaires sont clos.