Le documentaire qui déplait à la direction de Pôle emploi

arton153549Le documentaire de Nora Philippe sur Pôle emploi, diffusé dimanche 24 novembre à 20h30 sur LCP, fait mal. Pendant dix-huit mois, la réalisatrice a observé, puis posé sa caméra dans l’agence d’une commune tranquille de Seine-Saint-Denis, Livry-Gargan. Après une telle plongée, on aurait pu s’attendre à ce que le film – intitulé “Pôle emploi, ne quittez pas” – renvoie une image moins mauvaise que d’habitude de l’institution, déjà largement critiquée. Mais les images ne sont pas tendres. Elles montrent l’incroyable violence dont fait preuve Pôle emploi envers ses conseillers.

Il fait tellement mal, que la direction de Pôle emploi a décidé d’empêcher la réalisatrice de le montrer aux conseillers de l’agence. Alors qu’on lui avait promis qu’une projection serait organisée en sa présence, Pôle emploi a décidé à la dernière minute de ne pas le faire. “Après le visionnage organisé fin octobre à la direction générale, on nous avait pourtant promis de faire une diffusion collective suivie d’un débat”, assure Nora Philippe. Mais la réalisatrice a appris par les conseillers de l’agence, qu’une projection était organisée, sans elle, vendredi 22 novembre.

RATÉS DU SYSTÈME

“Nous avons dit avec ma production que c’était inacceptable, mais la direction régionale n’a rien voulu entendre. Nous avons refusé toute projection en notre absence”, explique Mme Philippe, qui s’est tout de même rendue à l’agence vendredi. “Les portes étaient fermées et les équipes de direction ont refusé de nous ouvrir”, assure-t-elle. Le film n’a finalement pas été diffusé, mais Mme Philippe se désole que la direction “refuse de voir la réalité”, après avoir accepté que l’agence ouvre ses portes pendant plusieurs mois.

“Nous comprenons que Nora Philippe soit perturbée, mais la direction régionale et la directrice de l’agence se sont senties trahies par la réalisatrice après avoir vu son film”, a expliqué au Monde une porte-parole de l’organisme. “Ils ont préféré dire aux agents de le. regarder dimanche soir, car ils ont craint la réaction qu’ils pouvaient avoir vis-à-vis de Mme Philippe si elle était présente. C’est très difficile pour les agents d’avoir le recul nécessaire et d’analyser ça comme un documentaire distancié alors que c’est leur quotidien.”

Qu’est ce qui explique ce soudain retournement ? Le film n’est pas tendre, mais il est indubitablement très proche du quotidien des conseillers. Il montre les ratés du système Pôle emploi, incarnés par quelques séquences fortes. Tous les matins, une dizaine de demandeurs d’emploi s’engouffrent dans la salle d’accueil, à peine les portes ouvertes. Ils sont le symbole d’une masse qu’il faudra accueillir, conseiller et surveiller tant bien que mal.

Face à eux, quarante conseillers, qui collent des panneaux « En panne » sur toujours plus d’ordinateurs, rigolent – jaune – des acronymes absurdes de l’organisme, se résolvent à recevoir les chômeurs collectivement alors qu’ils s’étaient promis de s’en tenir à des entretiens individuels. « Soit on ne reçoit pas les demandeurs d’emploi, soit on les reçoit en groupe. C’est quoi la meilleure solution à votre avis ? », leur lâche la directrice d’agence, elle-même noyée sous les consignes incompréhensibles de sa propre hiérarchie. Jusque tard le soir, elle s’arrache les cheveux pour les appliquer correctement.

VOCATION SOCIALE

« Les tâches bureaucratiques à Pôle emploi sont considérables, elles bouffent les agents », raconte la réalisatrice Nora Philippe, qui tient à souligner l’universalité de son documentaire. « J’ai filmé une agence, mais Pôle emploi est extrêmement hiérarchisé, ce qui se passe au niveau micro reflète complètement le système. » A cause de cette bureaucratie et de l’explosion du nombre de chômeurs, « les agents sont en craquage, ils en perdent leur humanité, comme pourraient le faire des infirmiers dans un centre de soins palliatifs », explique la réalisatrice. Au téléphone, une chômeuse, qui veut simplement savoir quand et combien elle sera indemnisée, se fait éconduire violemment. Les conseillers semblent pourtant tous avoir voulu au départ faire ce métier par vocation sociale, telle cette agente d’accueil de banque, filmée lors d’un émouvant entretien d’embauche.

Mais à l’arrivée, ils passent de fait très peu de temps à véritablement conseiller les chômeurs, une mission pourtant censée être au coeur de leur activité. « On leur demande de la performance, de produire des chiffres et d’appliquer des consignes contradictoires », dénonce la réalisatrice. Il faut du courage aux conseillers de Livry-Gargan, dépourvus de toute autonomie, pour garder la foi. Peu de chômeurs apparaissent toutefois à l’écran, ils auraient pourtant largement de quoi se révolter. Et les soudaines réserves de la direction de Pôle emploi ne font que le confirmer.

Source: emploi.blog.lemonde.fr

Benji

7 Commentaires

  1. Pour rire un peu:

    111 926 Offres en lignes
    http://www.pole-emploi.fr/accueil/

    contre

    2 011 020 CV en lignes
    http://www.pole-emploi.fr/employeur/

    Donc environ 1 offre pour 18 chômeurs.

    On ne comptera pas les offres en ligne déjà pourvues,les doublons, les temps partiels…
    Et on oubliera pas que certains chômeurs ne savent pas se servir d’internet…

    • Cela fait plutôt une offre pour 18 CV … Sachant qu’un chômeur peut avoir plusieurs CV, avoir retrouvé du boulot ou été radié mais toujours avoir son ou ses CV dans la base … Pôle Emploi cherche à attrirer les visiteurs en gonflant les chiffres :
      – les offres pour les candidats, même les CDD de 1 jour, ou de 7 heures par semaine
      – la base de CV pour les employeurs. C’est sûr que le nombre de CV est moins pertinent que le nombre de candidats inscrits, mais ça “en jette” plus …

  2. puisque on ne le voit pas, difficile de juger…

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