Victimes de l’austérité, nous sommes tous des “entroïkés” !

C’est le mot de l’année au Portugal, et bientôt cela le sera également ici en France,nous allons tous nous faire “entroïker”!

Dans un pays où le chômage ne cesse de progresser et où l’austérité est la règle, les Portugais se sentent victimes de la troïka. La démocratie a un goût amer pour les “entroïkés”, le mot de l’année au Portugal.
Augmentation des impôts et des taxes, chômage qui progresse : les Portugais se sentent floués par la politique économique menée sous l'égide de la Troïka - Peuplier/FlickR/CC Augmentation des impôts et des taxes, chômage qui progresse : les Portugais se sentent floués par la politique économique menée sous l’égide de la Troïka – Peuplier/FlickR/CC
A Lisbonne, dans les magasins du quartier multiculturel de Graça, qui domine la ville du haut d’une colline, le crédit est de retour. Deux poulets entiers sont vendus 5 euros ; le kilo de tomates, presque deux ; le paquet de riz, un peu plus de 70 centimes. De quoi faire tenir une famille pendant trois jours. Mais de plus en plus de Portugais ont des fins de mois très difficiles. Résultat, il est devenu habituel que les bouchers ou les marchands de fruits fassent crédit à leurs clients par esprit de solidarité face à la crise.Jugez plutôt : en 2013, le salaire moyen au Portugal, étranglé par les mesures du gouvernement de Passos Coelho [droite], notamment la réduction des tranches de l’impôt sur le revenu, ne dépassera guère 700 euros. Ce sont les 1,8 million de retraités qui auront le plus de mal à joindre les deux bouts, avec une pension qui en règle générale ne dépassera pas 400 euros, et avec laquelle ils devront faire face à la hausse de 15 % des prix des transports ou à l’augmentation de la facture d’électricité (13 % l’année dernière).

Le chômage est l’un des aspects les plus sombres de la crise : il touchera 15 % de la population active. Sans la moindre amélioration en vue pour l’année à venir, l’émigration – qui provoque un vide démographique dans l’arrière-pays – restera la planche de salut pour les jeunes. Luanda, Rio de Janeiro, São Paulo ou Macao, les pôles emergents de la lusophonie, qui depuis plusieurs années attirent les diplômés portugais, vont redevenir des destinations prisées pour une génération très instruite qui ne trouve pas de débouchés dans son pays natal. Déjà, l’année dernière, le Premier ministre incitait ses concitoyens à chercher fortune en dehors du Portugal, et il va désormais mettre lourdement à contribution ceux qui restent.

“Déçus par la démocratie”

Malgré un taux à 23 %, la TVA rapporte moins à l’Etat, et la nouvelle offensive de Passos Coelho, dont la cote de popularité est au plus bas, touchera les travailleurs indépendants qui ne peuvent pas faire face à leurs versements à la Sécurité sociale. Désormais, ceux qui auront plus de 3 500 euros de dettes auprès de cette institution seront passibles de peines de prison, contre 7 000 euros auparavant. Certains vont jusqu’à dire qu’en 2013 il vaudra mieux être en prison dans un Etat où beaucoup se sentent méprisés, quand ils ne sont pas persécutés par la classe politique.

L’automne dernier, à la lumière d’une enquête publiée par les principaux médias portugais, 87 % de la population disait se sentir “déçue par la démocratie”, et le nombre de mécontents pourrait avoir encore augmenté au cours des derniers mois. Entre-temps, lors d’un vote organisé par Porto Editora, l’une des principales maisons d’édition du pays, les Portugais ont choisi l’adjectif entroikado [“entroïké”, victime de la troïka] comme mot de l’année 2012.

Selon le communiqué publié par Porto Editora, ce néologisme s’applique à toute personne “obligée de vivre dans les conditions imposées par la troïka [FMI, Banque centrale européenne et Commission européenne]”, et par extension à tous ceux qui sont “dans une situation difficile” – autrement dit, “dans la merde”. En 2013, dans les rues de Graça, où les notes du fado se confondent avec les voix des Indiens qui jouent au cricket, il faudra continuer à vendre à crédit la viande et les légumes aux entroikados. Reste à savoir jusqu’à quand.

Source: Courrier international

Benji

2 Commentaires

  1. “Déçus par la Démocratie” … Même si elle n’est pas parfaite, c’est quand même mieux qu’une dictature (qui n’empêche pas les pourris de s’en mettre plein les poches)

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