Alain Juppé passe l’oral de rattrapage en Tunisie

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Il fallait être le premier. Le nouveau gouvernement tunisien à peine formé, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, s’est dépêché de proposer à son homologue, Rafik Abdessalem, de lui rendre visite. Arrivé hier pour deux jours, le Français devance d’un petit jour le ministre italien des Affaires étrangères, de trois le chef de la diplomatie allemande. Ces deux pays européens sont très actifs depuis la révolution. En revanche, le ministre français a été coiffé au poteau par Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre du Hamas à Gaza, accueilli en grande pompe à l’aéroport dans la matinée. Rafik Abdessalem assure que cela ne traduit pas «une remise en cause des priorités».

Handicap. N’empêche : depuis la révolution, «la France se voit bousculée par d’autres acteurs», estime Ahmed Driss, directeur du Centre des études méditerranéennes et internationales. Par cette visite, la France entend rappeler qu’elle est le premier partenaire de Tunis, et qu’elle aimerait le rester. Le pays compte 1 200 entreprises à participation française, soit 40% des sociétés étrangères. Mais le Qatar, la Turquie, les Etats-Unis cherchent à placer leurs pions. Au niveau diplomatique, les nouvelles autorités veulent préserver les relations avec la France, mais se tournent aussi vers les pays arabes.

Paris doit de plus composer avec un lourd handicap moral : son soutien indéfectible au régime de Ben Ali. La proposition de «coopération sécuritaire» par Michèle Alliot-Marie, en pleine répression, garde toute sa charge symbolique. La France tente depuis de changer de cap, non sans mal. L’ancien ambassadeur complaisant viré, le nouveau commence sur une bourde : à peine nommé, Boris Boillon tance une journaliste et récolte des manifestations aux cris de «Boillon dégage !». Depuis, le diplomate se fait discret – son apparition la plus remarquée fut la couverture d’un magazine tunisien, où il posait façon James Bond. Des liens ont été noués avec la société civile et les partis politiques, notamment les islamistes d’Ennahda.

Mais les relations avec la nouvelle mouvance dominante en Tunisie ne sont pas non plus sans heurts. Au lendemain des élections, alors que les Etats-Unis félicitaient les islamistes sans réserve pour leur victoire, Nicolas Sarkozy ne disait, lui, que sa «vigilance». Dans la foulée, Alain Juppé, qui appelait pourtant dès avril à un dialogue ouvert, parlait de conditionnalité des aides financières (350 millions d’euros de prêts accordés par la France, en plus des fortes sommes promises par le G8 au printemps) et de «lignes rouges» à ne pas franchir. La déclaration répondait à «des considérations de politique intérieure», regrette Yves Aubin de la Messuzière, ancien ambassadeur à Tunis.

 

Ambiguë. A gauche, certains saluent cette «vigilance», mais rappellent à quel point elle faisait défaut sous Ben Ali. Le gouvernement a depuis revu le discours. Sitôt les nouvelles autorités intronisées, il s’est empressé de les féliciter. Hier, Alain Juppé s’est montré conciliant, disant ne pas avoir «d’inquiétude sur le respect des principes fondamentaux». L’attitude d’Ennahda reste pourtant ambiguë. Dernier exemple en date : le sit-in des salafistes pour demander l’autorisation du niqab à l’université de la Manouba. Ennahda a plaidé pour le dialogue sur la question du niqab et condamné la décision d’arrêter les cours.

Source: liberation.fr

By: fracassage

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Un Commentaire

  1. “le ministre français a été coiffé au poteau par Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre du Hamas à Gaza, accueilli en grande pompe à l’aéroport dans la matinée” : moi je dirais humilié pas seulement coiffé, ca se voyait 🙂

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